Le budget octroyé pour ce dispositif étant de 16,7 milliards de dinars par an, il faut dire qu'il y a de quoi en faire baver plus d'un. Censée être destinée uniquement aux couches défavorisées, une bonne partie des allocations du filet social va à des faux nécessiteux qui bénéficient ainsi indûment de l'argent des pauvres. Rien que durant l'année 2002, pas moins de 1049 «parasites» ont été débusqués pour l'AFS (allocation forfaitaire de solidarité) sur les 600.000 bénéficiaires et 3686 dans l'IAIG (indemnité d'activité d'intérêt général) sur les 170.000 attributaires inscrits. Interrogé à propos de ce phénomène qui pèse très lourd sur le filet social, M.Merkiche, directeur du soutien social, a tenu à souligner qu'il existe deux genres d'indus bénéficiaires. La majorité étant pauvre et malheureuse et mérite réellement les maigres allocations qu'on lui donne. Le seul problème qui se pose pour ces personnes, c'est qu'elles ont un petit revenu qui n'excède souvent pas les 2000 ou 3000 dinars, une somme qui ne peut en aucun cas couvrir leurs besoins de quelque nature que ce soit. Or, la loi en vigueur régissant le filet social - qui est jugée d'ailleurs, rigide et inappropriée à la réalité du terrain - stipule que les bénéficiaires ne doivent avoir aucun revenu, sans préciser pour autant le plafond de ces revenus. «C'est pour cette raison qu'on est amené, par la force des choses, à les exclure du dispositif», expliquera notre interlocuteur, non sans une note d'amertume. Il reste toutefois les autres, les «vrais» indus bénéficiaires que les services chargés de l'assainissement au niveau des communes ont souvent du mal à débusquer. Parmi eux, il y aurait même des responsables locaux qui, sans le moindre remords, n'hésitent pas à priver les nécessiteux de ces allocations dérisoires pour les empocher. Notre interlocuteur nous citera l'exemple d'un vice-président d'APC d'une wilaya de l'Ouest du pays qui vient d'être dépisté dans l'AFS. Ce responsable a été sommé de rembourser tout l'argent qu'il a «volé» le terme n'étant pas assez fort dans ce contexte - et sera poursuivi probablement en justice. Malheureusement, ce n'est pas un cas isolé puisqu'une dizaine de dossiers de ce type se trouvent devant la justice. Il s'agit, apprend-on, de grandes affaires portant sur de graves erreurs de gestion où nombre d'APC sont impliquées. Evidemment, des enquêtes plus poussées permettraient assurément de faire la lumière sur bien des zones d'ombre dans ce dispositif, et surtout de mettre hors d'état de nuire bien des personnes dont l'identité risque de surprendre plus d'un. A vrai dire, l'origine de ces défaillances est due, selon les responsables du dispositif, à l'incohérence et l'inadaptation des textes de loi en vigueur qui permettent justement à ces indus bénéficiaires de s'infiltrer de manière sournoise dans le dispositif pour s'inscrire en tant que nécessiteux et prendre par-là la place d'autres citoyens qui sont dans un réel besoin. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'on insiste longuement sur la nécessité de réviser ces textes et de les adapter à la réalité du terrain, et surtout de préciser les concepts et de bien les définir afin de pouvoir distinguer les «vrais» bénéficiaires des faux. Rappelons qu'ils sont 600.000 personnes à bénéficier aujourd'hui de l'allocation forfaitaire de solidarité (AFS) qui est de l'ordre de 1000 dinars par mois. Cette aide est destinée - normalement - aux nécessiteux (les chefs de famille sans revenus, les handicapés, les non-voyants ayant un revenu inférieur au Snmg...), plus 400.000 autres personnes à charge (enfants, entre autres, qui reçoivent 120 dinars par mois). Quant à l'Iaig (3000 dinars par mois), elle vise les personnes sans revenus qui sollicitent leur intégration dans les activités d'intérêt général estimées actuellement à 165.000 bénéficiaires. Le total de ces aides étant de l'ordre de 16,8 milliards de dinars par an (7,7 milliards pour l'AFS, 3 milliards pour l'Iaig et 6,1 milliards pour la couverture sociale). Ce budget, impressionnant à première vue, est alloué dans sa totalité par l'Etat. Seulement, cette enveloppe est loin de répondre à la demande croissante des milliers, voire des millions de nécessiteux. Rien qu'en 2002, l'évolution de la demande par rapport à l'année dernière est estimée à 42 %, ce qui représente 246.000 demandes supplémentaires. Ce constat reflète on ne peut mieux la dégringolade de la situation sociale et du niveau de vie de la grande majorité des Algériens. Malheureusement, le filet social ne répond qu'à 6,7 % de ces demandes supplémentaires, ce qui est pratiquement insignifiant. Il en est de même pour l'aide attribuée aux bénéficiaires de l'AFS, qui représente pour bon nombre d'entre eux le seul et l'unique revenu.