Le Maître est séduit par la voix de la muse qui lui rappelle celle de...Nouara. «Celui qui parle ne sait pas. Celui qui sait ne parle pas», dit le sage chinois Lao- Tseu. Cette citation s'applique à Ibtissem Ben-Lalli, une voix qui rappelle celle de la diva Nouara, une voix qui a subjugué le grand Chérif Kheddam. «J'ai enregistré avec Cherif Kheddam, le 9 avril 2005, dans un studio en région parisienne, la chanson Ruh azman ruh» révèle Ibtissem à L'Expression. Dda Cherif cherchait des voix qui se rapprochaient de celle de Nouara. Il entend parler d'Ibtissem, la cherche et la trouve. Il l'écoute. Le Maître est séduit par la voix de la muse qui lui rappèle celle de la diva. Qui est Ibtissem Ben-lalli? Elle est née le 1er janvier 1973, à Tizi Ouzou. Originaire de Bouzeguène, elle a grandi dans une famille modeste mais portant l'art dans le sang. «Mon père chante et joue de la guitare et du mandole. Ma mère, quant à elle, a une voix d'or. Toutes mes soeurs chantent aussi. elles ont toutes de très jolies voix», déclare Ibtissem. Le décor est planté. Durant les années 1970, elle et ses soeurs faisaient partie de la chorale des scouts de la ville de Tizi Ouzou. «C'est moi qui donnais le La des performances de cette chorale», se souvient Ibtissem. En plus du chant, Ibtissem suit une scolarité jalonnée de succès. Elle a une double licence en journalisme et en sciences de l'éducation. Elle poursuit son cycle universitaire à Paris VIII. Ibtissem est, également, diplômée en bibliothéconomie documentation. En plus, elle a un diplôme en photographie obtenu à Tizi Ouzou. Au début des années 1990, alors qu'elle était étudiante en journalisme, elle fait la connaissance de M'hena Tigrini, un illustre musicien, ingénieur du son et arrangeur. S'ouvre, ainsi, une nouvelle page pour Ibtissem, qui commence par son margiage avec M'hena. «Je suis partie accompagner le chanteur Abbas Ath Azrine en juillet 1993 pour un duo», raconte-t-elle. En plus de sa voix envoûtante, Ibtissem a une forte personnalité. Au terme «duo», il préfère «accompagnement». Explication: «Je ne me contente pas de poser ma voix sur une musique. Je donne aussi mon avis, je propose des idées. Je ne suis pas une chanteuse potiche qui se contente de remuer les lèvres», avertit-elle. Ibtissem quitte l'Algérie pour rejoindre son époux, en France, durant l'année 1996. Elle quitte, certes son pays, mais elle reste attachée à ses origines. Elle accompagne des chanteurs d'expression kabyle tel Anzar, en 1999. Cette voix aux connotations singulières porte aux nues le chanteur Takfarinas. Elle monte sur scène avec lui, au Zénith de Paris, en 2008. Ibtissem donne la réplique à «la bête de la scène» dans deux de ses titres majeurs. Il s'agit de Tametut bwu mjahed, et Qimet yidi Sa voix séduit d'autres chanteurs et pas des moindres: Medjahed Hamid, Brahim Tayeb et la liste est longue. Le travail artistique ne se résume pas à la chanson. Elle enregistre des contes pour enfants, en français, avec Shamy El Vaz, du groupe mythique Abranis. De Dda Cherif, Ibtissem garde l'image d'un artiste audacieux qui a traité du sujet de la femme et de sa place dans la société kabyle. «Il a aussi évoqué le rôle que la femme peut jouer pour libérer les sociétés de leurs archaïsmes» souligne-t-elle. Le verbe tranchant, Ibtissem dresse un constat sans appel sur la situation actuelle de la chanson kabyle. «La chanson kabyle a toujours alterné des périodes de gloire et de chute libre. Il y a du bon et du moins bon dan la chanson kabyle. Ces dernières années, la production est caractérisée par une médiocrité stupéfiante», dénonce-t-elle. Cela dit, elle n'omet pas de mentionner l'émergence de quelques chanteurs qui ont su gagner l'amour du public. «Je ne vais pas tous les citer, Ali Amran et Mohsa sont le bel exemple pour moi, ils ont su réconcilier les Kabyles avec leur musique». Pour Ibtissem, «les anciens nous ont tracé le chemin, ils nous ont offert un trésor. Des chansons inoubliables. A nous de préserver ce legs».