Derrière ces événements, il y a souvent la main de la presse occidentale. Entre 50 et 100 personnes mortes et plus de 500 autres blessées ont été enregistrées hier et avant-hier dans des affrontements religieux qui ont eu pour théâtre la ville de Kaduna au nord de Nigeria. Apparemment, c'est la parution d'un article de presse jugé blasphématoire à l'égard de l'Islam par la communauté musulmane de la ville qui aurait mis le feu aux poudres. En fait, et d'après les analyses des affaires de ce pays, c'est la programmation d'abord pour le début de ce mois, puis repoussé pour le 7 décembre prochain, à Abuja la capitale fédérale du Nigeria, de l'organisation d'un concours pour l'élection de Miss monde, qui n'a pas fini d'entretenir et de raviver les tensions inter-religieuses dans le pays servant au passage, de toile de fond aux incidents de cette fin de semaine. D'ailleurs les troubles et la violence de Kaduna font suite à l'amplification par la presse de cette manifestation, puisque l'article incriminé qui a servi d'étincelle est directement lié à cet événement. Publié par le grand journal nigérian This Day, il a sans aucune retenue ou aucun scrupule associé le Prophète Mohamed à la manifestation. Il suggérait ni plus ni moins que l'Envoyé du Dieu «aurait pu choisir pour femme l'une des participantes au concours» de Miss monde. Cette malsaine suggestion conjuguée à la présence dans ce pays, en plein mois de ramadan, de près d'une centaine de ces reines de beauté venues de plusieurs parties du monde, a suscité mécontentement et révolte chez les musulmans nigérians qui représentent la moitié de la population du pays. Organisé, presque spécialement au Nigeria pour apporter soutien moral et faire pression sur les autorités fédérales du pays pour qu'elles interviennent afin de sauver la désormais très médiatique Amina Lawal, une mère célibataire condamnée à la lapidation pour adultère par une cour islamique du nord du pays, la programmation de ce concours Miss monde n'a pas été du tout au goût des notables locaux et des organisations musulmanes autant celles dites modérées que celles vues comme intégristes. Tous ont vu dans cette manifestation «une promotion impudique de l'immoralité par la nudité», et ont appelé le président nigérian, Olusegun Obassanjo, un chrétien du Sud à l'interdire. Mais, selon les analystes, ce dernier, à quelques mois de l'élection présidentielle ne peut pas ou ne veut pas s'opposer frontalement aux douze Etats du Nord qui y ont instauré la charia. A la recherche de crédibilité internationale depuis qu'il a mis fin, par des élections en 1999, à plus de quinze années de pouvoir militaire, le Nigeria, un Etat fédéral de 120 millions d'habitants, est aussi en quête d'investissements étrangers et d'aide internationale pour subvenir aux besoins de cette immense population du continent africain. C'est dans ce cadre que ce pays est l'un des principaux animateurs du Nepad et qui veulent exprimer à l'Occident la volonté de l'Afrique de prendre son destin en main. Néanmoins, en l'absence d'alternative et de progrès dans la lutte contre la pauvreté et la misère, la masse des pauvres du Nord démunis en ressources naturelles, s'est réfugiée dans la charia, option pouvant assurer à ses yeux un minimum de justice, ou tout au moins un peu d'espoir. Et c'est pour cela qu'à la moindre provocation ou atteinte à ce texte sacré, et par voie de conséquence, à la religion islamique, elle exprime avec une violence inouïe son mécontentement et sa révolte.