Le gouverneur de Kaduna, un musulman, a été confirmé hier à la vice-présidence par le Parlement nigérian. La désignation d'un musulman à la vice-présidence du Nigeria pour seconder le chrétien Goodluck Jonathan a déclenché une vague de protestations dans le nord où certains parlent d'un «complot chrétien» pour récupérer un poste de gouverneur. Réunie hier en session spéciale, les deux chambres du Parlement au Nigeria ont approuvé la désignation de Namadi Sambo, un musulman du nord, comme nouveau vice-président du pays le plus peuplé d'Afrique. «Le Sénat confirme la nomination de Namadi Sambo comme vice-président (...) de la fédération», a déclaré David Mark, président de la chambre haute du parlement, à l'issue d'un vote oral unanime. Quelques minutes plus tard, la chambre des représentants a également validé la candidature de M.Sambo qui leur avait été soumise par le nouveau chef de l'Etat Goodluck Jonathan, un chrétien du sud. Agé de 55 ans, Namadi Sambo, architecte de formation, est le gouverneur de l'Etat de Kaduna (nord) depuis 2007. A Kaduna, la capitale éponyme de l'Etat, certains cercles voient dans ce choix une façon détournée de transférer le pouvoir régional à la minorité chrétienne car si le gouverneur devient vice-président, son second, le chrétien Patrick Yakowa, deviendra automatiquement gouverneur de l'Etat. Il n'en a pas fallu plus à certains au nord pour voir la main de l'ancien président Olusegun Obasanjo dans l'affaire. Président de 1999 à 2007, le chrétien et sudiste Obasanjo a dernièrement remis en cause un accord tacite qui remonte à 1999 et selon lequel le pouvoir suprême doit alterner tous les huit ans entre chrétiens et musulmans. Comme le parlement lui avait barré la route d'un troisième mandat consécutif, la Constitution en limitant le nombre à 2, l'ancien général avait choisi l'obscur gouverneur de l'Etat musulman de Katsina, Umaru Yar'Adua, pour lui succéder en avril 2007 après une élection qui fut une simple formalité. Tout le monde s'était interrogé sur ce choix, d'autant que la santé très fragile du gouverneur n'était un secret pour personne, notamment pour Obasanjo, un intime de la famille. De là à penser qu'il l'avait désigné en étant certain qu'il ne terminerait pas son mandat (il est décédé il y a deux semaines après presque six mois d'absence) pour mieux rebondir, certains au nord n'hésitent pas à franchir le pas, même si l'ancien président s'en défend. Depuis une semaine, des groupes musulmans de Kaduna envoient des SMS pour dénoncer le choix du gouverneur comme une tentative de le remplacer par un chrétien à la tête de l'Etat «par la petite porte». Ces messages appellent les musulmans à se mobiliser et manifester à Kaduna, une ville coutumière des violences inter religieuses: des affrontements entre les deux communautés en 2000 et 2004 avaient fait plus de 5000 morts. Depuis lors les deux communautés vivent séparément, la majorité musulmane (environ 60%) au nord, les chrétiens au sud. «On craint beaucoup ce qui pourrait se passer», dit Shehu Sani, un militant des droits de l'homme basé à Kaduna, la «capitale politique» du nord où le pouvoir colonial britannique avait établi son gouvernement régional. Selon un conseiller du gouverneur, les remous et rumeurs actuels sont le fait de politiciens nordistes déçus de ne pas avoir été «nominés». «La désignation du gouverneur les gêne et c'est pourquoi ils agitent la question religieuse», affirme Husseini Jallo, le conseiller politique de Namadi Sambo.