Les Etats arabes se réunissent, en sommet, à Damas, à partir de samedi prochain, alors que l´atmosphère générale dans le monde arabe est morose, pour ne point dire lugubre. Qu´on en juge: l´Etat palestinien est toujours un projet en gestation... depuis 60 ans; la Somalie n´existe plus en tant qu´Etat depuis près de deux décennies; les îles des Comores naviguent à vue avec les dissidences qui les minent au moment où le Liban se cherche désespérément un président, alors que l´Irak s´enfonce dans la violence dans le même temps où l´occupation américaine se consolide. Excusez du peu! Et ce n´est pas tout. Au moment où la démocratie est haussée au fronton des luttes sociales et politiques -c´est même sous ce label que les Etats-Unis ont prétendu apporter la liberté et la démocratie aux Irakiens en envahissant leur pays-, le monde arabe se devait de prendre les devants et, à tout le moins, inclure ce paramètre dans ses préoccupations. Dans ce contexte, un toilettage de la pensée (politique) arabe était plus que nécessaire, vital. Les dirigeants arabes, aiguillonnés par le projet mort-né de George W.Bush, de Grand Moyen-Orient (GMO), évoquèrent la mise en place de réformes soutenues par au moins deux objectifs: réformer les institutions arabes pour les mettre à niveau au regard de la nouvelle donne mondiale, redonner sa raison d´être à la Ligue arabe. Ce qui, à tout le moins, impliquait des révisions déchirantes dans les systèmes politiques et sociaux sur lesquels sont fondés on fonctionnent actuellement les Etats arabes avec, comme point d´orgue, la réforme de la Ligue arabe, elle-même, dont le statut est devenu obsolète et ne répond plus aux besoins de développement et d´unité du Monde arabe. Ce dossier a même fait l´objet d´un sommet, celui de Tunis en 2004, sans qu´il ait eu, semble-t-il, une suite. A Damas, toutefois, il est patent que les monarques et chefs d´Etat arabes auront l´esprit loin de ces préoccupations, occupés qu´ils sont par des problèmes plus terre à terre, comme celui de se maintenir au pouvoir. Cependant, l´ombre de la vacance de la présidence libanaise planera sur le sommet de Damas, amoindrissant la marge de manoeuvre des acteurs syriens et libanais dans la crise politique qui secoue le pays du Cèdre. Beaucoup de pays, à leur tête l´Arabie Saoudite et l´Egypte, avaient conditionné leur venue en Syrie par l´invitation du Liban à ces assises. Dès lors, les résultats du sommet de Damas seront conditionnés, d´une part, par le niveau de la participation arabe. D´autre part, l´alibi Liban faisant diversion, il est plus que probable que le débat, pourtant incontournable, sur les réformes des institutions arabes, sera encore une fois, reporté à des jours meilleurs. Ce qui tombe bien. Peut-on en effet parler de réformes dans le monde arabe sans remettre en cause les pouvoirs sans limite des dirigeants arabes, dans la mesure où, si réforme il y a, il faudrait, nécessairement, que ces Etats abandonnent une partie de leur souveraineté au profit de la Ligue arabe, (à l´image de ce qui est la règle pour l´Union européenne). Les dirigeants arabes sont-ils prêts à ce saut qualitatif dans la prise en charge des problèmes de la nation arabe, quand le monde arabe représente une véritable quadrature du cercle? Permettez-nous d´en douter.