Quarante-six ans! C´est l´âge de l´Indépendance de l´Algérie. C´est peu au regard de la dimension humaine et civilisationnelle, c´est une étape déjà importante et significative à hauteur d´homme. Mais l´Indépendance suffit-elle à elle seule à forger le citoyen et le patriote lorsque fait défaut l´assise essentielle que sont les fondements historiques et identitaires? En réalité, c´est là un vaste programme qui n´a pas été suffisamment pris en compte au cours de ces dernières décennies, éclipsé par des préoccupations autrement plus importantes, telle que la construction de l´Etat. Certes! Mais, aujourd´hui, on constate que cette négligence à prendre en charge l´aspect historique, identitaire et culturel du pays, a eu des retombées souvent négatives. Négatives dans le sens où l´Algérien ne se retrouve pas en phase avec son pays, quand il n´arrive pas à se situer «historiquement» dans la hiérarchie humaine. Qu´elle est, qu´elle a été, notre histoire au cours des siècles, quel rôle nos ancêtres ont joué dans la civilisation humaine, dans l´édification de notre identité? L´histoire officielle est restée muette sur cet aspect de notre passé, et ne l´a pas pris en charge. Le cinéma, le théâtre, la littérature n´ont pas, de leur côté, mis en valeur les faits et gestes de nos héros d´hier, à travers les siècles, comme de ceux, contemporains, qui ont participé à la libération du pays. Qui sont-ils? D´où viennent-ils? Quel a été leur apport à la fondation de ce pays, connu aujourd´hui sous le patronyme d´Algérie, qui eut à être désigné dans le passé lointain sous le nom de Numidie? Tout pays, aussi petit soit-il, a un passé que son histoire glorifie, et duquel ses enfants tirent leur fierté. De quoi a été fier l´enfant algérien auquel on n´a pas expliqué ce qu´a été vis-à-vis de l´histoire un Massinissa, un Jugurtha, un Syphax, une Kahéna, un Koceïla, les Mouwahidoune et les Mourabitoune; un saint Augustin, un saint Donat, un Ibn Quenfoud, les Jeunes Algériens de l´Emir Khaled, premier mouvement nationaliste à poser la question de l´Indépendance. Or, les héros d´hier ont été oubliés, par l´historicité nationale, ceux de la Révolution ont été passés à la trappe, leurs noms ne traversant la chape de plomb qu´à de rares occasions, souvent douloureuses, comme cela a été le cas pour feu Mohamed Boudiaf, découvert par la jeune génération un jour de 1992. C´est ce déficit de la connaissance de notre histoire, de notre identité, qui a fait que les Algériens de 2008 ne se reconnaissent pas, ou n´arrivent pas à se situer dans une patrie avec laquelle ils ont eu des liens relâchés. Le patriotisme ne s´enseigne pas, il est inné, mais l´école contribue grandement, dès les premiers âges de l´enfance, à le familiariser avec l´histoire de son pays, les faits et gestes de ses héros. Ce qui induit une connaissance succincte et véridique de notre Histoire. C´est cette bouée qu´est l´identité, qui a semblé faire défaut à une jeunesse qui n´arrivait pas à savoir à quoi se rattacher. Comment expliquer ainsi que l´on attende 2008 pour entreprendre une opération «emblème» national, alors que les couleurs nationales sont le fondement même du patriotisme, une leçon quotidienne, qu´il n´y a pas lieu de souligner en des occasions ponctuelles. C´est ce socle qu´est l´historicité du pays sur laquelle le jeune peut s´appuyer - et lui permet de participer pleinement à la construction de l´Algérie - qui semble avoir fait défaut à la jeunesse d´aujourd´hui qui regarde vers l´ailleurs.