Alors que l´émigration clandestine est un phénomène qui existe dans les cinq continents, en Algérie, il porte un nom spécifique: les harragas. Comme une identité. Pas n´importe quelle identité d´ailleurs. Le terme comporte une forte connotation péjorative, dévalorisante tout en suggérant la désobéissance civile. Dévalorisante pour nos jeunes et nuisible au pays. Le mot veut dire transgresser la loi. Ce qui revient à dire que ses auteurs ne sont que de vulgaires hors-la-loi. Pour faire enfler le mécontentement social et pousser les Algériens au ressentiment contre leur propre pays, il n´y a pas mieux. Les Etats-Unis luttent depuis des décennies contre les «harragas» mexicains. La Thaïlande aussi fait face aux «cargaisons» humaines que lui déversent par camions les passeurs. L´afflux des jeunes d´Europe de l´Est vers l´Ouest ne serait rien d´autre sans l´Union européenne. L´Afrique tout entière est concernée. Du Cap à Tanger. Mais c´est seulement chez nous que l´émigration clandestine est affublée d´un terme spécifique. Il faut cesser de diaboliser nos jeunes. Ils ne sont que les victimes d´un jeu malsain qui les dépasse. Ils ont l´âge des défis démesurés. Ils ont l´âge des pulsions qui étouffent la raison. Les images, que l´on voit des rescapés affamés et tremblants de froid sous une couverture jetée sur eux, sont pathétiques. Ils sont à protéger pas à pénaliser, comme compte le faire le gouvernement avec son récent projet de loi. Il est plus juste et plus responsable de s´attaquer aux réseaux de criminels qui leur font miroiter le paradis ailleurs. A tous ces passeurs qui s´enrichissent en les envoyant à la mort ou, pour ceux qui en réchappent, à vivre en bête traquée et en esclavage. Ils méritent la solidarité nationale, pas la prison. Qui sont les harragas d´aujourd´hui? Ce sont tous ceux qui ne peuvent pas faire partie de la catégorie de ce même phénomène qu´est la «fuite des cerveaux». Ce sont tous ceux qui n´ont pas eu la chance de «gagner» à la loterie annuelle du quota américain. Ce sont tous ceux qui ne sont éligibles à aucune forme de visas (d´étudiant, d´affaires, de visites familiales, etc.). Ce sont tous ceux qui n´ont rien de tout ce qui vient d´être énoncé mais qui n´en sont pas moins des hommes et des femmes qui nourrissent les mêmes aspirations, fondées ou non, que les «éligibles». Et s´ils sont prêts à affronter la mort, on voit mal comment un durcissement du Code pénal pourrait les faire reculer. Les harragas sont ce que la fièvre est à la maladie. On peut tout au plus la faire baisser, mais c´est la maladie qu´il faut soigner.