Depuis la chute de l´empire soviétique, le conflit géorgien est la première et véritable épreuve de force que l´Occident a eu à affronter, dans laquelle l´ancien chef de file du bloc communiste annonce son retour. Un retour tonitruant. De fait, le conflit provoqué par l´attaque de la Géorgie de la république séparatiste d´Ossétie du Sud prend aujourd´hui toute sa signification - stratégique, politique et économique - induite par les développements que connaît le contentieux. Et de se demander si le président géorgien, Mikheil Saakachvili - qui a ordonné l´offensive contre l´Ossétie du Sud - a réellement agi aussi imprudemment qu´on pouvait le supputer au lendemain de l´attaque. On peut, dès lors, supposer que le conflit ouvert par la tentative de Tbilissi de reprendre pied en Ossétie du Sud (à un moment où rien ne laissait prévoir une telle action) aura surtout été un test grandeur nature pour voir jusqu´où la Russie est prête à aller pour faire respecter son prè-carré, d´autant plus que l´événement a eu lieu dans son arrière-cour caucasienne. De là à estimer que M.Saakachvili ait été (indirectement) encouragé à récupérer par la force la République séparatiste n´est pas aussi aléatoire que cela puisse paraître. En effet, soit la Russie réagit - ce qu´elle a fait avec la violence que l´on sait - induisant un nouveau rapport de force, soit Moscou fait encore le dos rond et consomme de ce fait sa rentrée définitive dans le rang, pour laisser aux seuls Etats-Unis la suprématie stratégique sur le monde, y compris sur ce qu´a été l´ex-bloc communiste. Déjà, lors de l´invasion de l´Irak par l´armée américaine - en infraction avec les recommandations du Conseil de sécurité de l´ONU, de la guerre de démembrement de l´ex-Yougoslavie et du tout récent cas du Kosovo, la Russie a dû faire profil bas car Moscou n´était prête ni militairement, ni politiquement à faire respecter une certaine parité stratégique, même dans son «continuum» spatial. Et, certes, ni Washington, ni l´Union européenne ne semblaient s´attendre à ce que la Russie relève la tête, hausse le ton et menace à son tour, se disant- même- prête à en découdre militairement, Moscou retrouvant le ton martial de l´ex-Union soviétique. Dans l´affaire géorgienne, l´Occident semble avoir fait une analyse erronée quant à la passivité, supposée, de la Russie laquelle n´aurait plus les moyens de faire obstacle à la mainmise euro-américaine sur le monde. De fait, la Russie, faute de répondant, a assisté ces dernières années à son encerclement militaire par les Etats-Unis et l´Otan, le dernier avatar étant encore l´affaire du bouclier antimissile et du radar qui doivent être implantés en Pologne et en Tchéquie, face à la Russie. Cela, sans relever que les multinationales américaines avaient fait main basse, ces dernières années, sur le pétrole et le gaz des ex-Républiques soviétiques musulmanes d´Asie orientale, avant d´accaparer des gisements pétroliers et gaziers irakiens. Le nouvel «ordre mondial» qui n´est autre que la perpétuation, sous d´autres formes, de «l´ordre occidental» semble connaître ses limites, d´autant que la Russie divise de plus en plus l´UE, notamment, entre partisans de la fermeté avec Moscou et ceux plus conscients du fait que l´on ne sanctionne pas la Fédération de Russie comme on le ferait d´un quelconque «Etat voyou». Ce que le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, assurait, plus diplomatiquement, à la veille du sommet de l´UE à Bruxelles. En fait, au-delà des enclaves séparatistes, qui sont et restent une affaire sérieuse laquelle risque d´avoir un effet domino, c´est surtout la remise en question de «l´ordre américain», établi au lendemain de l´effondrement du bloc soviétique, qui est aujourd´hui en cause.