Fort de son succès dans le dossier du Darfour, le procureur de la Cour pénale internationale, CPI, Luis Moreno-Ocampo, «envisage» de passer à un niveau supérieur: s´attaquer à la citadelle israélienne. Est-ce possible? En janvier, lorsque l´Autorité palestinienne et plusieurs ONG demandèrent à M.Moreno-Ocampo d´ouvrir une enquête sur les massacres de Ghaza, celui-ci s´est déclaré impuissant, se retranchant derrière le fait que l´Etat hébreu «n´étant pas signataire du Traité de Rome» (qui a instauré cette cour), la CPI n´aurait pas compétence pour connaître des plaintes portées contre les dirigeants de ce pays. Notons cependant que c´est exactement le cas du Soudan qui n´a pas paraphé - au même titre qu´Israël, les Etats-Unis, la Chine ou la Russie - le Traité de Rome, sans que cela empêche la CPI de traiter le dossier du Darfour. Or, voici que le procureur de la CPI envisage, rapporte le journal dominical argentin Perfil, la possibilité d´ouvrir le dossier «Ghaza». «Nous évaluons le sujet, nous sommes dans une phase d´analyse. Je n´ai pas encore décidé si nous lancerons des investigations, mais il y a une possibilité que cela arrive», a ainsi expliqué M.Moreno Ocampo. En vérité, nous restons plutôt dubitatifs d´autant plus que pour mener une telle enquête (à Ghaza), il faudrait l´accord des autorités israéliennes. Or, nous avons à l´esprit le précédent de Jenine, lorsque Israël refusa de donner le feu vert à une commission spéciale de l´ONU, dirigée par l´ancien président finlandais Martti Ahtisaari, afin d´enquêter sur les massacres de centaines de Palestiniens commis par l´armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jenine. Or, Israël est resté impuni pour tous les crimes de guerre, crimes contre l´humanité, voire crimes de génocide, commis depuis 1948 contre le peuple palestinien. Il est vrai que la CPI dispose de larges pouvoirs et compétence, mais ne peut mener ses investigations qu´avec le bon vouloir et la coopération des autorités d´un pays donné. Est-il raisonnable de croire qu´Israël va coopérer avec la CPI? Or, l´innovation est le fait que la CPI est une cour permanente - à l´inverse des TPI (Tribunaux pénaux internationaux, qui ne sont que temporaires) - et ne juge que les individus, contrairement à la CIJ (Cour internationale de Justice) en charge des litiges entre Etats. Pour le cas d´Israël, ce sont donc le Premier ministre, Ehud Olmert, le président Shimon Peres, et les gradés de l´armée israélienne qui seront ainsi en point de mire d´une éventuelle enquête de la CPI. Toutefois, on voit mal les autorités israéliennes, qui n´ont jamais collaboré avec les instances internationales, donner leur aval et répondre des exactions qu´elles ont ordonnées contre Ghaza. Il est permis d´en douter! De fait, on sait ce qu´il est advenu de la loi belge dite de «compétence universelle» - censée connaître des cas de crimes de guerre et de crimes contre l´humanité, quelle que soit la nationalité de la victime ou du criminel - devenue inopérante dès lors que ses juges manifestèrent leur intention d´ester en justice l´ancien Premier ministre israélien, Ariel Sharon, dans l´affaire de Sabra et Chatila. Tout récemment, des juges espagnols, qui voulaient enquêter sur les crimes commis à Ghaza (1330 tués, en majorité des femmes et des enfants) dans le cadre de la loi espagnole de compétence universelle, ont été bloqués par la neutralisation de la loi. Ce qu´il faut en fait retenir est que le droit international actuel, les lois qui en découlent, pensées et promulguées par l´Occident, n´ont pas été élaborées pour que soient jugés les Occidentaux. Cqfd. Dès lors, le propos de M.Moreno-Ocampo ne pourrait être qu´une simple diversion, histoire de calmer les esprits après les remous suscités en Afrique et dans les pays musulmans suite au mandat d´arrêt international lancé contre le président soudanais Omar el-Bechir. Attendons pour voir.