Répondant à une saisine du Conseil de sécurité, la Cour pénale internationale a décidé l'ouverture d'une enquête criminelle au Darfour. La situation au Darfour, menacé d'un drame humanitaire, fait l'objet de vives inquiétudes de la part de la communauté internationale, notamment du fait de s attribuées aux milices «Djandjawides» responsables de véritables crimes contre l'humanité contre la population de cette province déshéritée de l'ouest du Soudan. Plusieurs appels ont été faits ces derniers mois en direction de Khartoum, notamment par l'ONU - dont le secrétaire général, Kofi Annan, a effectué plusieurs déplacements au Darfour pour évaluer la situation sur place - pour que les autorités soudanaises mettent de l'ordre dans une province marquée par la guerre et aggravée par la famine, l'autre calamité. Aussi, face au peu de progrès réalisés dans l'amélioration de la situation au Darfour et devant la persistance de la violence - les pertes humaines sont évaluées entre 180.000 et 300.000 personnes victimes de la guerre depuis ses débuts en février 2003 - le Conseil de sécurité a fini par saisir, par une résolution adoptée le 31 mars dernier, la CPI la chargeant de mener une enquête pour crime de guerre et génocide au Darfour. Quoique la CPI enquête déjà sur des cas similaires en RD du Congo et en Ouganda, depuis juin et juillet de l'année dernière, c'est la première fois qu'elle prend en charge une telle enquête à la demande du Conseil de sécurité de l'ONU. Même les Etats-Unis, qui restent opposés à la CPI, ont admis que la situation au Darfour nécessite une enquête indépendante et approfondie. Premier tribunal permanent chargé de la répression des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, la CPI, dont le siège se trouve à La Haye (Pays-Bas), est devenue opérationnelle en juillet 2002 après la ratification par 60 pays du traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale (1998). C'est par un communiqué du procureur Luis Moreno-Ocampo que la CPI a annoncé hier, l'ouverture d'une enquête au Darfour. Le procureur argentin de la CPI a déclaré dans un communiqué que cette enquête «serait impartiale et indépendante» indiquant qu'elle vise à rassembler le maximum d'informations «sur les personnes portant la plus grande responsabilité pour les crimes commis au Darfour». En fait, si la CPI a fini par prendre en charge la question du Darfour c'est bien du fait de la mauvaise volonté des autorités soudanaises qui n'ont pas fait grand-chose, selon les ONG internationales, pour désarmer la suspicion quant à leur détermination à protéger la population du Darfour et a démilitariser et juger les milices «Djandjawides», responsables, indiquent ces mêmes ONG, des violences et des atrocités commises ces deux dernières années dans la province. Il faut savoir en effet, que les statuts de la CPI ne l'autorisent à enquêter dans un pays étranger que lorsque la justice de ce pays n'est pas en mesure de faire face à la situation, soit par manque de moyens ou encore par manque de volonté des autorités locales. En saisissant la CPI pour enquêter au Darfour, le Conseil de sécurité a estimé, à l'évidence, que Khartoum, outre de ne pas disposer des moyens appropriés pour ce faire, fait montre d'un manque flagrant de détermination a désarmer et à juger les milices opérant dans la province. Toutefois, l'enquête se présente très difficile pour le procureur Luis Moreno-Ocampo, d'autant qu'il a jugé que sa recherche nécessitait «la coopération soutenue des autorités nationales et internationales», alors que le président soudanais Hassan Omar Al-Béchir a, à plusieurs reprises, affirmé que le Soudan ne «livrerait jamais un Soudanais à une juridiction étrangère». Dans son communiqué publié hier, le procureur de la CPI indique que celui-ci a reçu au début du mois d'avril, une liste de 51 noms de personnes accusées de crimes de guerre au Darfour par une commission d'enquête internationale, de même que des informations parvenues d'autres sources et de «plus de 50 experts indépendants», indique encore le communiqué. M.Moreno-Ocampo a déclaré par ailleurs que cette enquête «fait partie d'un effort collectif, en complément des initiatives de l'Union africaine et d'autres, pour mettre fin à la violence au Darfour et promouvoir la justice». Première à réagir, l'organisation américaine de défense des droit de l'homme, Human Rights Watch, (HRW), a estimé hier, depuis New York -par la voix de son directeur des affaires de justice internationale, Richard Dicker - que c'est là «une décision historique» précisant: «La décision du procureur d'enquêter sur les crimes de masse et les viols au Darfour commence à faire tourner la roue de la justice pour les victimes sur place.» Le Soudan risque ainsi de faire l'expérience de cette justice internationale, laquelle, toutefois, ne semble pas destinée de manière équitable à tous les justiciables appelés à justifier de leurs crimes, comme le montre l'opposition des Etats-Unis à la CPI, exigeant même une sorte d'immunité et d'impunité pour leurs ressortissants. Mais là, c'est un autre problème.