Les représentants des travailleurs de cette compagnie sont furieux. Pourquoi? Relayant un ex-responsable d'Air Algérie, un quotidien national vient, sur toute la largeur de sa Une, sonner ce qui, d'après lui, est une «alerte du syndicat d'entreprise» avec ce titre troublant bien qu'empruntant la formule de l'interrogation: «Vers la faillite d'Air Algérie?». Troublant pour l'opinion publique en général tout en jetant particulièrement l'émoi sur des travailleurs de la compagnie nationale. Le développement en page intérieure laisse perplexe. L'idée suggérée par le titre ne se retrouve pas dans l'article. Pour mieux comprendre nous avons donc pris attache avec les syndicalistes d'Air Algérie et le P-DG de la compagnie. Si les premiers étaient furieux de l'exploitation tendancieuse faite d'un de leurs documents vieux d'une année et exhumé pour la circonstance, le second a saisi l'occasion pour nous faire état de la bonne santé financière de l'entreprise. «La tentative de porter atteinte à la paix sociale qui règne dans l'entreprise est évidente» accuse avec une colère à peine contenue le secrétaire général du syndicat d'entreprise et membre du conseil d'administration M.Hadj Baali Hamid. «Nous nous élevons énergiquement contre de telles actions de déstabilisation», renchérit M.Khodja Toufik, président du Syndicat national des techniciens de maintenance des avions (Sntma). De quoi s'agit-il réellement? Il y a une année, les syndicalistes d'Air Algérie, inquiets de la «prolifération de compagnies aériennes (privées) guidées par le seul appât d'un gain maximum dans un minimum de temps» adressent à la tutelle une correspondance dans laquelle ils «attirent l'attention des pouvoirs publics» sur ce qu'ils considèrent être une concurrence déloyale pour leur entreprise. Ils souhaitent que toutes ces compagnies s'obligent au strict respect des lois et règlements. Sans compter les exigences du service public qu'Air Algérie est la seule à remplir. Le document dont les syndicalistes nous ont remis une copie était élaboré dans le contexte spécifique de l'ouverture récente du marché aérien. C'est ce texte datant d'une année et exhumé des archives, qui a servi de point d'appui à «l'analyse» et au traitement, loin d'être innocent, qui en a été fait. Pour la circonstance, ce qui n'étaient que des «regards des travailleurs» est devenu «rapport». Un texte qui reflétait le souci des travailleurs de dénoncer une certaine incurie dans le ciel algérien, mais qui pourtant a été présenté comme annonciateur «d'une volonté de liquidation» de la compagnie nationale. Un texte qui répertorie toutes les nouvelles compagnies aériennes privées nées de la libéralisation ainsi que les manquements dont ils se rendent coupables. Cela va du transfert illégal de devises, aux concessions en deuxième main jusqu'à l'exercice «sans organisation propre ni de moyens matériels qu'exige ce genre d'exploitation». Cela étant, nous avons saisi l'occasion pour faire le point avec les responsables sur «l'état de santé» d'Air Algérie. Le P-DG, M.Tayeb Benouis nous apprend que la compagnie a bénéficié d'un vaste plan de développement avec, entre autre, l'acquisition de 12 nouveaux appareils, la mise en service d'une unité de maintenance ultramoderne, la totale informatisation de l'exploitation, l'envoi en formation de quelque 50 pilotes, le recrutement de nouveaux cadres, etc. Un tel redéploiement ne peut être le fait d'une entreprise en phase de dépôt de bilan comme on veut le suggérer. Nous apprenons également que le financement pour l'acquisition des 12 avions est assuré à 30% par l'entreprise elle-même tandis que les 70% restants sont assurés par l'Eximbank. Un organisme financier américain de notoriété internationale qui ne s'implique pas sans un contrôle draconien des comptes et bilans de l'emprunteur. En d'autres termes, la présence d'Eximbank aux côtés de la compagnie nationale est le meilleur démenti aux supputations malveillantes des uns ou des autres. A signaler au passage que le contrat pour cette acquisition a été signé avant l'arrivée de M.Benouis à la tête de l'entreprise. Il lui aura fallu tout de même penser au financement de ce contrat qui aurait dû se faire au préalable de l'opération. Ceci pour situer la responsabilité parmi d'autres de cet «ex-responsable» qui est cité par la publication comme source des allégations. Certes tous ces investissements liés à la modernisation de l'entreprise ont entraîné un endettement auquel il faut faire face. Les échéances sont honorées à terme. Il n'empêche qu'aussi bien le P-DG que les syndicalistes déplorent que le passage à l'autonomie en 1997 n'ait pas donné lieu à l'assainissement financier attendu en pareil cas. «C'est pourquoi nous n'hésitons pas à demander que ce qui n'a pas été fait en 1997 le soit aujourd'hui pour une plus grande aisance financière de notre compagnie.», précise M.Benouis. Une remise à zéro des compteurs qui débarrassera l'entreprise des lourdeurs de gestion héritées du passé. L'autre argument à opposer aux détracteurs est l'audit effectué par un organisme international en vue de l'ouverture du capital de la compagnie. Une ouverture et une prise de participation dont le processus de préparation est achevé. Un tour d'horizon qui pousse à l'optimisme quant au devenir de la compagnie nationale. Une entreprise tellement viable qu'elle parvient à faire face à des chocs imprévus telle la hausse inconsidérée des taxes d'assurances décidées par les compagnies internationales au lendemain du 11 septembre. Le maintien des équilibres financiers de la compagnie est loin d'être facile avec les multiples perturbations qui ont traversé le marché aérien. Aux événements du 11 septembre s'ajoutent les lignes déficitaires maintenues uniquement pour désenclaver des régions du pays, le vieillissement de la flotte et maintenant la concurrence pas toujours loyale. Malgré tout le P-DG agissant dans une parfaite symbiose avec les représentants des travailleurs aura réussi son pari de redressement de l'entreprise. Ce qui lui a valu d'ailleurs cette année le trophée du meilleur manager de l'année qui vient de lui être décerné et que nous avons remarqué sur son bureau. Pour M.Baali et M.Khodja les deux dirigeants syndicalistes de l'entreprise, «il ne fait aucun doute que notre compagnie fait l'objet d'attaques pernicieuses. Mais nous ne permettrons pas que soit semé le doute parmi les travailleurs. Jusque-là la paix sociale nous a permis de faire face à toutes les exigences qui se sont présentées. A tous ceux qui souhaitent que l'entreprise disparaisse pour leur laisser le champ libre, nous opposerons la volonté sans faille de tous les travailleurs et nous prouverons notre capacité de nous imposer dans un marché ouvert à la concurrence.» Ni les esprits revanchards d'ex-responsables qui ne supportent pas que la compagnie puisse préserver sa place dans l'adversité, ni les coups bas portés par toutes sortes d'ennemis ne semblent entamer la détermination des responsables d'Air Algérie (syndicalistes, P- DG et cadres réunis) à aller de l'avant et réussir leur plan de développement. Les manipulations et autres tentatives de déstabilisation seront, nous disent-ils, «toutes vouées à l'échec!».