Branle-bas de combat planétaire, notamment en Europe et en Amérique pour faire face à la nouvelle pandémie AH1N1, ou grippe porcine, qui met en émoi hommes politiques, chercheurs, laboratoires et autre OMS (Organisation mondiale de la santé), qui n´a pas lésiné sur les mises en garde depuis l´apparition du virus au Mexique en mars dernier. Beaucoup de bruit a été fait, trop, assurent d´aucuns, autour d´une épidémie somme toute banale et de «saison», en tout état de cause moins mortelle que ne le sont le sida, le paludisme et autre tuberculose, sur lesquels un silence de plomb continue de peser. Mais ces pandémies - surtout le paludisme et la tuberculose - sont des maladies de pauvres que l´on ne risque de rencontrer ni à Londres, ni à Paris et encore moins à Washington et dans les hauts lieux huppés de la bourgeoisie occidentale. La grippe porcine apparue, il y a quelque 6 mois qui a fait, jusqu´ici, moins de 300 morts dans le monde, apparaît plus comme une maladie de «luxe» que de la pauvreté. «Tout pourrait être terrible, mais ce qui est terrible, c´est que le sida continue de tuer 5000 personnes par jour et qu´un enfant de moins de 5 ans meurt du paludisme toutes les 40 secondes en Afrique», assène, amer, le Professeur Kazatchkine, scandalisé par la manière avec laquelle les pays riches se sont engagés dans une course insensée aux antiviraux et aux vaccins contre la pandémie AH1N1. Depuis son apparition, il y a près de 6 mois, la grippe porcine a fait moins de morts dans le monde que les «massacres» que causent le sida et le paludisme en Afrique. «1 milliard d´euros pour une vaccination dont on ne sait strictement rien, c´est de la précipitation», note, sceptique, le Professeur Gentilini, qui commente la commande par la France de 94 millions de doses de vaccin, et dénonce une situation «éthiquement inacceptable». En effet, cet argent facilement trouvé pour le AH1N1 aurait pu autrement servir une Afrique affreusement démunie et faisant face à nombre de pandémies. Des centaines de millions de doses de vaccin ont été commandées par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon...L´Egypte, l´un des pays les plus touchés par la grippe aviaire, laquelle continue de faire des ravages, ne dispose en tout et pour tout que de 2,5 millions de doses de Tamiflu. Or, ces commandes de millions de doses de vaccin, alors que leur efficacité reste à prouver, donneront surtout aux laboratoires américains et européens, qui ont le monopole du Tamiflu, de produire des centaines de millions de doses leur permettant de faire marcher leurs industries en ces temps de crise, sans la certitude de résoudre le problème posé par la nouvelle pandémie. Cet élan de «solidarité» qui voit l´Occident se mobiliser contre le AH1N1, qui le touche de plein fouet, on ne l´a pas vu s´exprimer pour aider l´Afrique à lutter contre la pandémie du sida dont sont atteints des dizaines de millions d´Africains, qui fait des milliers de morts quotidiennement, ni pour aider ce continent à éradiquer la tuberculose (qui a tué en 2007, 1,77 million de personnes, selon des experts sur cette maladie), le paludisme, maladies d´un autre temps, comme le choléra qui sévit toujours en Afrique. Démunie face à ces pandémies au long cours, l´Afrique l´est également face à la nouvelle épidémie de la grippe porcine contre laquelle le continent noir est désarmé. Ce qui fait dire au Professeur Marc Gentilini, ancien président de la Croix-Rouge française: «On en fait trop. C´est la pandémie de l´indécence», alors que le Professeur Kazatchkine renchérit: «C´est un nouvel exemple de l´énorme distance qu´il y a entre le Nord et le Sud.» Que peut-on ajouter à ces mots de bon sens, alors que tout est dit? Sinon que l´égoïsme des riches persiste quand la marginalisation des pays tiers ne fait que s´accentuer.