Arkab remet au président tunisien une invitation du président de la République pour assister aux festivités du 70e anniversaire de la Révolution    CANEX WKND 2024: l'investissement dans les industries créatives en Afrique au cœur des préoccupations de l'Afreximbank (responsable)    Mascara: inhumation du moudjahid Chentouf Mustapha    Algérie-Mauritanie: signature d'un protocole de coopération entre les armées des deux pays    Sahara occidental: Un syndicat espagnol veut collaborer avec le Polisario pour appliquer les récentes décisions de la CJUE    Saihi: éradication de la diphtérie apparue dernièrement au sud du pays    Saihi préside l'ouverture du 3e Congrès international sur l'obésité et les maladies métaboliques    Mouloudji et Zitouni inaugurent les expositions artistiques et créatives de la manifestation "CANEX WKND 2024"    Accidents de la route en zones urbaines: 12 décès et 505 blessés en une semaine    CANEX 2024 : M. Zitouni s'entretient avec le directeur de la BADEA    Journée nationale de l'émigration: nombreuses manifestations commémoratives dans les wilayas de l'est du pays    Journée nationale de l'émigration: le ministère des Affaires étrangères organise un recueillement à la mémoire des martyrs des massacres du 17 octobre 1961    Football: une minute de silence à la mémoire de Belaid Lacarne ce week-end dans tous les stades    Tennis de table/Championnat d'Afrique: la paire algérienne Jellouli-Kessaci qualifiée en finale    Le Parlement algérien poursuit sa participation aux réunions de la 149e assemblée de l'UIP    La sécurité alimentaire un choix stratégique constant et principal axe des efforts de développement en Algérie    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste atteint 42.438 martyrs    Judo/Championnat du monde militaire: trois médailles pour les Algériens    L'Algérie appelle à soutenir les efforts internationaux pour un cessez-le-feu à Ghaza    Parcours migratoires et prise en charge    14 décès dont 11 victimes rien qu'à Nâama    Manchester United : Le club met fin au contrat d'ambassadeur d'Alex Ferguson    Arrivée imminente du nouvel entraîneur Bouziane Rahmani    12e édition du Salon North Africa Energy & Hydrogen Exhibition and Conference (NAPEC) Ooredoo présente ses offres et solutions aux professionnels du secteur énergétique et des hydrocarbures    L'Algérie appelle à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité sur la situation    Le « plan des généraux » au Nord de Ghaza est voué à l'échec    Décès de l'ancien arbitre international Belaid Lacarne : Le président de la République présente ses condoléances    Sensibilisation aux risques professionnels    Suivi des établissements éducatifs en cours de préparation    Un événement important !    Plus d'un milliard de dinars à recouvrer par la Sonelgaz    MCO – JSK, un match pour se refaire une image    «L'Ours» de Tchekhov présentée dans une verve intacte    Participation de 85 écrivains et poètes    ''Danse céleste'', un spectacle fascinant    Une délégation parlementaire participe au 37e Congrès extraordinaire de l'UIPA    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les pestiférés de Bab El-Hamra
LOGEMENT À ORAN
Publié dans L'Expression le 23 - 09 - 2001

Sur le piémont du Murdjadjo, coincée entre la Casbah d'Oran et les Planteurs, se dresse Bab El-Hamra.
Non, détrompez-vous ce n'est point un palais orné de patios érigé en l'honneur de quelques favorites - Bab El-Hamra est un ensemble urbain où se cultive à coup de dénuement la malvie. De la porte Santon à la porte d'Espagne en prenant le temps d'une halte à la place des Quinquescences de Sidi El-Houari, l'espace en dénivelé est ouvert aux vents marins qui charrient les embruns. Dans cet espace, jadis féerique, se dresse un fortin, l'ancienne prison où s'entassent 250 familles enveloppées d'un voile d'indifférence.
Les Espagnols l'avaient érigé à la hâte pour y parquer les parias, ces indigènes réfractaires à l'ordre de sa majesté. Les Français en firent un centre de tri avant de le transformer en bagne. Des familles s'y sont retranchées. L'endroit a perdu de sa superbe. Il est devenu une plaie glauque d'où suinte la misère. Entouré de malvie, il tente d'attirer les regards des passants, l'attention des responsables locaux.
Les cellules, qui enfermaient les malfrats sont devenues les nids douillets de femmes et d'enfants qui attendent patiemment qu'un rayon de soleil vienne leur annoncer la liberté.
Ici, la misère se conjugue à tous les temps et à tous les tons. Les habitants de l'ancienne prison, «El-Ghar» comme s'amusent à l'appeler ses pensionnaires, se disputent des cellules humides, obscures de 4 m².
Ici, on ne vit pas monsieur, on survit. Et chez ces gens-là, monsieur, on ne crie pas sa flamme, on la murmure. Chez ces gens-là, l'intimité, on ne connaît pas, d'une cellule à une autre tout s'entend et le secret n'a pas cours.
Des femmes, des enfants, des pestiférés à l'aube du 3e millénaire, parqués comme des bêtes, comme des esclaves sur l'île de Gorée, attendant dans la douleur un négrier venu de nulle part et que la houle jettera loin. L'avenir, on l'appréhende. On se suffit de gagner quelques instants de vie à son présent pour défendre son espace.
Des familles vivent dans des conditions désastreuses dans cette ancienne prison. Pas d'eau, pas d'aération, des toilettes collectives et un éclairage piqué à la hâte d'un des poteaux de la rue.
L'hygiène est le dernier des soucis quand on n'a pas d'eau, quand on vit entouré d'ordures, quand l'air qu'on respire charrie le mal. L'humidité donne aux lieux l'aspect d'une grotte, rêve de spéléologues. Mais que peuvent-ils bien trouver ici sauf la drogue, les maladies, la promiscuité et les misères?
Point de stalagtites ou de stalagmites ici, et la grotte n'a rien de merveilleux ici, monsieur. Le linge sale, pendu à des cordes donne aux lieux des airs de capharnaüm. Dans ces lieux vivent des hommes et des femmes depuis 30 ans. Certains y ont vu le jour pour mieux mourir.
Depuis l'indépendance, ces parias croyant à une vie meilleure se sont contentés de ces réduits. «Nous n'avons pas voulu squatter les villas abandonnées par les colons. Nous croyions que ceux qui l'avaient fait allaient être sanctionnés, malheureusement la punition c'est nous qui la subissons», disent-ils pour expliquer comment ils ont atterri dans cet enfer. Avec l'exode rural, d'autres familles sont venues se greffer dans ce cloaque.
Ils ne croient plus aux promesses d'un relogement, tellement ils ont vu des commissions passer, et des responsables locaux venir parader et promettre monts et merveilles avant de se retirer et de jurer de ne plus remettre les pieds à la prison de Bab El-Hamra.
Leur calvaire est devenu comme la page d'un vieux manuel d'histoire. On le retire, on le feuillette, la misère on la ressent, on compatit avec la douleur des victimes de l'histoire, on jette un regard furtif sur les enfants de Bab El-Hamra, puis, d'un geste brusque on referme l'ouvrage avant de le remettre à la poussière des étagères. Des promesses, ils en ont eu à la pelle. Quand le drame avait frappé en 1994 Ras El-Aïn, quand le sol s'était, par une nuit, dérobé sous les pieds des habitants, on avait promis aux pensionnaires de l'ancienne prison des logements décents. Mais la boue, qui avait semé la mort sur son passage, avait enterré les promesses de ceux qui étaient venus faire le paon devant les caméras de télévision. L'ancienne prison de Bab El-Hamra, un lieu où s'était forgé la volonté des Algériens. Durant la période coloniale, plusieurs moudjhahidine y ont été emprisonnés et torturés. Plusieurs sont morts parce qu'ils avaient refusé de se soumettre à la loi des bourreaux, à la brûlure de la gégène. Le lieu raconte encore les faits héroïques de la résistance. Un charnier a été découvert à l'occasion de fouilles. Une plaque scellée à l'entrée rappelle que la loi coloniale y était maîtresse.
Au lendemain de l'indépendance, des prisonniers de la guerre des wilayas ont séjourné dans cet ancien pénitencier qui accueillera quelques années plus tard, à l'occasion de l'attentat manqué contre feu Houari Boumediene, le défunt Slimane Amirat et ses compagnons.
Des missions d'anciens moudjahidine ont proposé de faire du fortin un musée de la Guerre de libération. Des historiens espagnols l'ont classé patrimoine historique ibérique en attendant de l'inscrire sur la liste des sites patrimoines universels sous la protection de l'Unesco. Ceux qui y habitent ne comprennent rien à l'intérêt que portent les autres à leur demeure.
«Et s'ils s'intéressaient à nous, ce serait plus juste», disent les enfants de Bab El-Hamra d'une voix sourde sortie des poumons ramollis par l'humidité.
Quand vous émergez de ce cloaque, votre vue se brouille et votre espoir égrenne, l'espace d'une pensée, les souffrances de ces bagnards que les responsables oublient une fois sur le chemin qui vous ramène à la place des Quinquescences. 250 familles croupissent dans une ancienne prison désaffectée. Elles attendent la délivrance, la libération, la grâce. Mais qui pourra un jour venir leur dire qu'elles ont purgé leur peine, qu'elles peuvent sortir pour réapprendre à vivre dans des maisons que le soleil baigne de chaleur.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.