Le dossier du nucléaire iranien a-t-il avancé avec l´accord trouvé hier à Téhéran, entre l´Iran, le Brésil et la Turquie, selon lequel Téhéran transférera, dans ce dernier pays, 1200 kg d´uranium faiblement enrichi (3%) avant son enrichissement (à 20%) en Russie et sa transformation en France? C´est du moins ce que laissait supposer l´accord trouvé grâce à la médiation du Brésil et de la Turquie. Mais est-ce suffisant pour «rassurer» l´Occident? Au regard des premières réactions occidentales, il semble que non. L´Occident veut plus, l´abandon pur et simple par l´Iran de son programme d´enrichissement de l´uranium. Ce que Téhéran a refusé jusqu´ici. De fait, Israël a immédiatement dénoncé, hier, ce qu´il a appelé des «manoeuvres» de la part de Téhéran. «Les Iraniens ont manipulé la Turquie et le Brésil», a ainsi dit un haut responsable israélien. Cela, avant même d´avoir pris connaissance du contenu de l´accord de Téhéran. Israël, faut-il le souligner, est le seul pays qui n´adhère pas au TNP (traité de non-prolifération nucléaire) et n´est ni contrôlé, ni inspecté par l´Aiea (Agence internationale de l´énergie atomique). Ce qui est encore plus absurde est que Berlin estime que l´accord sur le nucléaire iranien ne pouvait remplacer un accord entre Téhéran et l´Aiea, Berlin trouvant sans doute normal que l´Etat hébreu puisse échapper aux investigations de cette même Aiea et avoir le droit de garder l´équivoque sur son potentiel nucléaire. Ainsi, ce qui est impératif pour l´Iran - ouvrir ses centrales atomiques au contrôle international et renoncer à son programme de recherche nucléaire - ne l´est pas à l´évidence pour Israël. Cela relève d´une arrogance inqualifiable et, à tout le moins, d´un néocolonialisme saugrenu. En vérité, l´actuelle crise du nucléaire iranien dépasse le seul Iran et interpelle tout pays ambitionnant d´acquérir le savoir-faire en technologie du nucléaire. Accepter ce deux poids, deux mesures - acharnement morbide contre l´Iran, quand Israël est absous de toute justification de son programme nucléaire - est inadmissible. Or, le cas de l´Iran pourra demain faire jurisprudence par l´interdiction à tout pays, non agréé par l´Occident, de chercher à avoir ses propres normes d´enrichissement et de transformation de l´uranium. Cela est intolérable d´autant plus que les grandes puissances prétendent ainsi restreindre le savoir-faire nucléaire à un groupe réduit de pays. Aussi, tant que les «grandes» puissances nucléaires n´usent pas des mêmes exigences envers l´Etat hébreu, on continuera à penser qu´il est surtout question d´empêcher un pays tiers, n´entrant pas dans le profil formaté par l´Occident, d´accéder à la connaissance scientifique et technologique inhérente à la manipulation de l´uranium. C´est effectivement le cas lorsque l´Occident considère sa proposition à l´Iran comme «non négociable». Celle-ci consiste dans l´envoi par l´Iran à l´Aiea de la majorité de son uranium estimée à 1200 kilos - 70% de ses stocks - en Russie pour y être enrichi à 20% avant d´être transformé par la France en combustible pour le réacteur de Téhéran. En clair, l´Occident demande à l´Iran de renoncer à toute velléité de recherche scientifique liée au nucléaire. Et l´Iran sera sanctionné pour son refus d´arrêter l´enrichissement d´uranium, rappelait hier un diplomate occidental. C´est en cela que l´enjeu de la crise nucléaire dépasse le seul Iran pour interpeller l´ensemble de la communauté internationale, laquelle ne saurait se réduire à la seule vision des Occidentaux. Si l´Iran est sanctionné, c´est toute la recherche indépendante dans les secteurs stratégiques qui sera interdite à tout pays n´étant pas en phase avec l´Occident. Cela est inadmissible!