Le conflit qui oppose le gouvernement d´Ankara aux rebelles kurdes, violemment revenu en première ligne ces dernières semaines, remet à l´ordre du jour la manière avec laquelle les puissances impériales occidentales, en particulier la Grande-Bretagne et la France, avaient partagé, plutôt charcuté, l´Asie occidentale en procédant à un découpage inique du Moyen-Orient au lendemain de la Première Guerre mondiale et du démantèlement de l´Empire ottoman. Deux obscurs diplomates français et britannique, François Georges-Picot et Sir Mark Sykes, ont ainsi eu pour mission de dépecer le Moyen-Orient. Ce qu´ils ont fait avec zèle, ouvrant la voie à des conflits complexes marqués par la disparition, notamment de la Palestine. Ce que l´on appelle communément «Accord Sykes-Picot» a été signé le 16 mai 1916 entre la France et la Grande-Bretagne qui se sont partagé la région, moyennant le démantèlement de ce qui restait de l´Empire ottoman. L´accord dit de San Remo a, à son tour, entériné et «légalisé» l´accord avec, en sus, un mandat en bonne et due forme de la SDN (l´ancêtre des Nations unies). Les traités de Versailles de 1919 et de Sèvres de 1920 ont posé les bases du dépeçage du Moyen-Orient par le partage du Kurdistan entre quatre pays de la région: la Turquie, l´Iran, l´Irak et la Syrie (les deux derniers placés sous mandats britannique et français). De fait, le traité de Sèvres de 1920, qui a redessiné les frontières du Moyen-Orient, donnait naissance aux actuels Irak, Syrie et Turquie et prévoyait également la création de l´Arménie turque et du Kurdistan. Si l´Arménie a eu une vie éphémère, le Kurdistan autonome, en revanche, n´a jamais vu le jour. Il a, au contraire, été absorbé par les pays voisins. Ce rappel de l´histoire pour dire que les puissances impériales, qui ont créé le désordre dans le Moyen-Orient, ont légué aux peuples moyen-orientaux un héritage empoisonné dont les séquelles et retombées négatives restent récurrentes près d´un siècle après l´accord Sykes-Picot. Les Palestiniens ont été spoliés de leurs terres par la création d´un Etat artificiel: Israël. De même, les Kurdes, musulmans, certes, mais qui ne sont ni des Arabes, ni des Turcs, disposant d´une culture et de traditions propres à eux, ont été dispersés parmi les Turcs, les Arabes et les Perses. L´esprit qui a présidé en 1920 au partage de la région subsiste aujourd´hui encore, puisque seul l´intérêt des puissants est pris en compte. Quand cela arrange les puissances impériales - hier la Grande-Bretagne et la France, aujourd´hui les Etats-Unis - le droit international a peu de poids. C´est ainsi que les Etats-Unis, qui s´opposent à un Kurdistan autonome en Turquie, ont été à la base du Kurdistan autonome irakien par la création, en 1991, de «zones d´exclusion» dans le nord et le sud chiite de l´Irak, sur lesquelles le pouvoir central irakien n´avait plus de contrôle. En 2010, le Kurdistan irakien est devenu un Etat dans l´Etat avec ses institutions, son emblème national, son armée, son président et son Parlement. Dès lors, se pose la question: pourquoi ceux qui ont légitimé l´autonomie du Kurdistan irakien, estiment illégal, de fait, taxent de terroristes, les revendications des Kurdes turcs notamment? Comment le droit international, actuellement en vigueur, peut-il justifier, expliquer, cette différence d´appréciation et d´application des lois internationales supposées communes et censées applicables à tous les pays conformément à la Charte fondatrice de l´Organisation des Nations unies? Au regard de la prise en charge du dossier palestinien et de la question kurde par les instances internationales, on peut estimer que le droit international c´est du vent et que seuls les intérêts particuliers et le diktat des grandes puissances et les lectures qu´ils font des événements priment, y compris sur le droit, dit international. Ce qui se passe au Moyen-Orient n´est pas pour nous démentir.