En cette rentrée globale, notamment cinématographique, avec en guest-star la sortie en salle aujourd´hui - simultanément à Alger et à Paris - du film de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi, il est de bon aloi de revisiter l´histoire telle qu´écrite par les hordes «civilisatrices» françaises. Laissons donc aux critiques de cinéma d´évaluer les aspects techniques et fondamentaux du film Hors-la-loi, controversé en Hexagone et arrêtons-nous sur quelques moments forts de la colonisation française supposée apporter le savoir et la «civilisation» aux «indigènes» que nous étions. Aussi, pour mieux appréhender la «mission civilisatrice» de la France, rafraîchissons des mémoires quelque peu oublieuses d´actes et propos édifiants des plus éminents représentants des politiques et militaires français en croisade en Algérie. Gageons que voilà encore une leçon de perdue pour la jeune génération française tenue dans l´ignorance des actes de «bravoures» de ses ancêtres partis «civiliser» les barbares nord-africains. Ce ne sont pas les témoignages qui manquent, qui disent l´atrocité avec laquelle les envahisseurs français se sont acharnés sur les Algériens. Ce qui n´empêcha pas la France de glorifier cette barbarie maquillée en oeuvre «civilisatrice» par la loi infâme du 23 février 2005 selon laquelle «La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l´oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d´Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires (...) sous la souveraineté française.» Qu´en est-il en fait? Voilà ce qu´en dit un témoin, le lieutenant-colonel L.-F. de Montagnac, officier durant l´invasion et l´occupation de l´Algérie (Lettres d´un soldat, 15 mars 1843): «Toutes les populations qui n´acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être pris, saccagé, sans distinction d´âge ni de sexe: l´herbe ne doit plus pousser où l´armée française a mis le pied (...). Voilà comment il faut faire la guerre aux Arabes: tuer tous les hommes jusqu´à l´âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants (....). En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens.» Est-il besoin d´ajouter un commentaire à cette vision calamiteuse de la «civilisation» venue de France? Un soldat français disait donc avec brutalité (faire table rase des population locales pour ouvrir la voie à une colonisation de peuplement, que le général Lamoricière explicitait appelant à la nécessité de l´émigration européenne) ce qu´un éminent homme politique français, Jules Ferry (1832-1893) - l´un des fondateurs de l´éducation moderne française et à l´origine des grandes lois scolaires républicaines instituant la gratuité, l´obligation et la laïcité de l´école - théorisait avec onction, déclarant le 28 juillet 1885, devant un parterre de députés: «Messieurs, il y a un second point, un second ordre d´idées que je dois également aborder (...): c´est le côté humanitaire et civilisateur de la question. (...) Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai! Il faut dire ouvertement qu´en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Je répète qu´il y a pour les races supérieures un droit, parce qu´il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. (...). No comment! Faut-il souligner que c´est sous l´autorité de Jules Ferry que le fameux Code de l´indigénat fut promulgué, le 12 juin 1881? Un code précurseur du régime d´apartheid sud-africain mis au ban de l´humanité au XXe siècle. M.Ferry serait-il le père posthume du nazisme et de la xénophobie? Or, la loi du 23 février sus-citée, qui célèbre (article 4, alinéa 2) le «rôle positif de la présence française outre-mer», aurait été jugée aujourd´hui outrageante. Hors la loi (du colonisateur)? A l´évidence, c´était le bon choix fait par les Algériens qui n´ont pas hésité à se sacrifier pour se réapproprier la terre de leurs aïeuls.