La Cour pénale internationale, CPI, qui s´est illustrée par ses actions contre les crimes génocidaires, ayant tous la particularité de ne charger que des Etats, dirigeants et/ou citoyens émanant de pays en sous-développement, va-t-elle faire un sort à sa jeune réputation de bras de la justice des puissants? C´est du moins l´espoir que fondent tous ceux qui croient encore en une justice universelle équitable s´appliquant à tout Etat, dirigeant ou citoyen coupable, ou présumé coupable, de crime contre l´humanité, crimes de guerre ou de crimes génocidaires. De fait, l´occasion se présente à la CPI pour montrer et démontrer que ses prérogatives sont ouvertes sur tout manquement au droit international, pas uniquement contre les faibles mais également partout où des crimes inqualifiables seraient commis. Or, de tels crimes ne sont pas uniquement le fait du Soudan ou de la RDC, sur lesquels la CPI travaille depuis des années - avec singulièrement le mandat d´arrêt international lancé contre le président soudanais, Omar El Bechir dans l´affaire du Darfour - mais également de l´Etat hébreu quand, quotidiennement, sont déplorées des exactions de l´armée d´occupation israélienne et des colons israéliens contre la population palestinienne. Aussi, très remonté après son succès sur le dossier du Darfour, le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, pensait alors passer à un niveau supérieur pour, à tout le moins, confirmer la stature internationale de la CPI en s´attaquant à la citadelle israélienne. Etait-ce possible? En janvier 2009, après les massacres de Palestiniens à Ghaza - agressée par l´armée israélienne - l´Autorité palestinienne et plusieurs ONG demandèrent à M.Moreno-Ocampo d´ouvrir une enquête sur ces crimes. Or, celui-ci s´est déclaré impuissant, se retranchant derrière le fait que l´Etat hébreu «n´étant pas signataire du Traité de Rome» (ayant instauré cette cour), la CPI n´aurait pas compétence pour connaître des plaintes portées contre les dirigeants de ce pays. Ce qui est spécieux, du fait que, bien que le Soudan n´ait pas non plus ratifié le Traité de Rome, cela n´a pas empêché pour autant la CPI de connaître du dossier du Darfour. Or, voilà qu´une nouvelle occasion se présente à la CPI pour se pencher (enfin?) sur le cas d´Israël. En effet, l´abordage par la marine israélienne, le 31 mai dernier, dans les eaux internationales, de bateaux d´aide humanitaire à Ghaza et ayant entraîné la mort de 9 Turcs entre de plain-pied dans ses prérogatives. Ainsi, selon des experts de l´ONU, la CPI pourrait se saisir du dossier de l´abordage par la marine israélienne de la flottille pour Ghaza. Elle en a la compétence juridique, estiment-ils. C´est, en tout état de cause, l´avis de l´un des membres de la mission d´experts de l´ONU, le Britannique Desmond da Silva, lequel explique que le navire amiral «Mavi Marmara» sur lequel «la majorité des violences se sont déroulées, battait pavillon des Comores, qui sont membres de la CPI», «cela donne la compétence à la Cour», a-t-il expliqué mardi, «de juger l´affaire». La balle est donc dans le camp de la CPI et du procureur Moreno-Ocampo duquel il est attendu qu´il applique avec le même professionnalisme et la même diligence, à cette affaire qu´il a pu le faire dans le dossier du Darfour, quand bien même le Soudan ne soit pas membre de la CPI. Une dérobade de la CPI dans l´affaire de la flottille humanitaire de Ghaza ne fera alors que confirmer les soupçons émis envers la Cour pénale internationale qui ne prendra en charge et ne jugera que les faibles sans s´attaquer à la citadelle des puissants, quels que soient les crimes dont ils peuvent être suspectés par ailleurs. De fait, si la CPI se dessaisit de l´affaire de la flottille, elle se discréditera et se disqualifiera, remettant du coup en cause la probité des jugements contre, entre autres, le Soudan. Que fera la CPI?