Les Africains sont-ils «fair-play»? Il y a lieu d´en douter à voir la crispation dont font montre leurs différents leaders à l´approche d´une consultation électorale. A l´évidence, il ne s´agit pas de sport, mais bien de fair-play politique, quand il est question de reconnaître la victoire de l´adversaire. Guinéens et Ivoiriens en donnent un exemple probant à la lumière des «incidents» et «accusations» portées par les uns et les autres, tant les enjeux sont grands et les résultats incertains. Or, la Côte d´Ivoire comme la Guinée tentent de sortir de crises récurrentes qui ont paralysé leurs gouvernements alors que les problèmes ethniques (en Guinée) et la question identitaire (en Côte d´Ivoire) ont largement empoisonné ces dernières semaines l´atmosphère des deux pays. La Guinée, marquée par cinquante années de dictature et de pouvoir militaire, tente de relever la tête et sortir d´une spirale qui mit le pays en stand-by. A peu de choses près, la Côte d´Ivoire - qui a été citée en exemple pour sa réussite économique - avait très mal vécu l´après-Houphouët-Boigny, le «père de la nation» qui a laissé un vide énorme et surtout un pays nullement préparé à assurer la relève. Ainsi, longtemps donnée en exemple, la Côte d´Ivoire, non seulement est rentrée dans le rang mais, surtout, a fini par allonger la liste des pays putschistes africains (putsch raté de 2002, qui scinda le pays en deux). Si du vivant de Félix Houphouët-Boigny, la question identitaire a été - du fait de la forte personnalité de l´ancien président ivoirien - maintenue en arrière-plan, elle a resurgi avec force au lendemain de la disparition du «père de la nation». «L´ivoirité» est dès lors devenue le «passeport» pour toute personnalité prétendant à un avenir politique dans le pays. De fait, le concept d´«ivoirité», apparu en 1945 parmi les étudiants ivoiriens, est revenu au premier plan après la mort de Houphouët-Boigny en 1993 et l´accession à la tête de l´Etat de l´un de ses promoteurs, Henri Konan Bédié, en 1994. «L´ivoirité» qui définissait les caractères nationaux de la Côte d´Ivoire a eu pour première victime, l´ancien Premier ministre, Alassane Ouattara - dont l´identité ivoirienne était contestée - l´un des deux candidats à la présidence ivoirienne, dont le second tour est prévu le 28 novembre prochain. La Côte d´Ivoire, ce sont 56 ethnies, regroupées en grands ensembles. Cela a pour effet, que la notion «d´appartenance nationale» reste plutôt floue, diluée. De fait, certaines ethnies, telle l´ethnie malinké, sont partagées par plusieurs pays africains. Des ethnies transfrontalières. On les retrouve aussi bien en Côte d´Ivoire qu´en Guinée pour nous en tenir aux deux pays actuellement sous les feux de l´actualité. A quelques différences près, le même dilemme se présente en Guinée où les deux candidats en lice - Alpha Condé (malinké) et Cellou Dalein Diallo (peul) - représentent deux importantes ethnies du pays avec en toile de fond, une bataille politico-ethnique entre leurs partisans. En réalité, ces questions d´identité constituent l´une des retombées directes de la colonisation et du charcutage du continent noir, notamment par la France quand des frontières arbitraires ont divisé des familles entre plusieurs territoires. Toutefois, des pays africains ont réussi au long des années à dépasser le problème ethnique et à lui trouver une solution dans le cadre de la Nation naissante. D´autres sont encore en phase de construction d´un nationalisme d´autant plus ardu qu´il se heurte à un tribalisme encore solidement implanté dans les sociétés africaines. Ce qui explique que nombre de pays soient en constant déséquilibre cherchant leur voie vers une vraie indépendance et démocratie. L´exercice se révèle, cependant, difficile et pas toujours évident, d´où les crises de nerfs auxquelles sont confrontés les postulants à des postes de responsabilité. Les scrutins guinéen et ivoirien seront-ils ceux de la délivrance et du retour à l´orthodoxie de la gouvernance? Telle semble être la question.