Quels enseignements et partant, quels correctifs le gouvernement va-t-il apporter à une politique sociale, économique et politique qui a largement montré ses limites ces dernières années? Ou va-t-il, encore une fois, faire le dos rond, laissant passer l´orage, jusqu´à la prochaine tempête? Des questionnements auxquels, en l´état actuel de la communication gouvernementale, il est difficile de répondre, même s´il est toujours loisible d´esquisser le possible, voire le probable, de demain. Et les «demain» qui ne chantent pas, l´Algérie en a connus ces dernières années. Surtout lorsque les gouvernements ne prennent pas en compte les avertissements, les prémices avant-coureurs, qui annonçaient la contestation. On oublie facilement que le «chahut de gamins» (dixit un membre du gouvernement d´alors) du 5 octobre 1988 a été précédé par les violentes émeutes de Constantine de novembre 1986, tout aussi violemment réprimées, auxquelles l´Etat n´a accordé ni l´attention ni l´intérêt que cet évènement, alors inédit, réclamait. Quand Alger a marché à son tour en 88, il a été totalement pris au dépourvu. Tous les analystes s´accordent à dire que l´accalmie ayant suivi les émeutes du sucre et de l´huile peut n´être que temporaire si une véritable politique sociale et économique n´est pas mise en branle par l´Etat. Aussi, dire que la «page des émeutes» est tournée comme s´est avancé à l´affirmer le ministre de l´Intérieur, Daho Ould Kablia, c´est, semble-t-il, aller vite en besogne. Or, l´état des lieux n´a pas été fait, les causes du malaise qui travaille la société algérienne n´ont pas été identifiées et/ou analysées. Depuis quelques années, les émeutes ont été le seul moyen d´expression à la disposition des Algériens avec tout ce que cela induit comme frustrations parmi la population, en sus des dérapages que cela peut occasionner. La cherté de la vie, le manque de logement, le célibat forcé, une mal-vie généralisée - accentuée par la paupérisation de groupes de la société de plus en plus large - s´ils n´expliquent pas tout, n´en constituent pas moins des fils conducteurs et l´un des aspects de la complexité des problèmes qui se posent aux Algériens. Outre cela, la fermeture du champ politique (manifestations et meetings politiques interdits sans autorisation des autorités publiques), un champ médiatique verrouillé, auquel n´ont pas accès les partis politiques ou d´autres voix discordantes, font que l´espace politique national est réduit à sa plus simple expression. Or, en verrouillant l´espace d´expression national, n´autorisant même pas un semblant de soupape de sûreté - qui aurait permis à la société de s´exprimer - le pouvoir se coupe (délibérément?) de sa base sociale laquelle n´a, dès lors, que l´émeute pour se faire entendre, à défaut de se faire écouter. Or, lorsque les forces organisées (société civile, partis politiques, syndicats) n´existent pas ou sont mises dans l´impossibilité d´intervenir sur le terrain pour, à tout le moins, canaliser la colère des citoyens, il est alors patent que des scènes de casses, comme celles de ces derniers jours - par lesquels une jeunesse qui ne sait à quel avenir se vouer exprime son ras-le bol - ne feront que se multiplier. Avec les dégâts que cela provoque à chaque fois aux biens publics et privés. Aussi, on ne peut pas, on ne peut plus (?), s´arrêter au simple constat que tout est rentré dans l´ordre, sans chercher à mettre à profit ce répit, pour comprendre le pourquoi de ces choses. En effet, lorsque de telles émeutes deviennent récurrentes, cela n´est plus un accident ou une montée de fièvre passagère, mais quelque chose de sérieux qui induit un malaise qu´il convient, dès lors, de diagnostiquer et d´analyser en tant que tel afin de lui porter les solutions ad hoc. Ce n´est là, que le travail «normal» de tout gouvernement qui a à coeur le bien-être de ses administrés. Pas plus, pas moins!