Des jeunes ont été transportés mercredi soir entre rêve et réalité. Mercredi dernier, un groupe venant directement de France a mis le feu à la chaleureuse salle d'El-Mougar. Il s'agit d'un groupe dont le nom nous fait penser inévitablement au groupe Gnawa, c'est Gâada Diwan de Béchar. Une heure avant le spectacle, les guichets affichaient déjà complet. Selon les responsables de la salle, dont l'attaché de presse de l'Office national de la culture et de l'information M.Nazih, «pour des raisons sécuritaires, et pour le bon déroulement de la soirée, on préfère arrêter les ventes et fermer les guichets». C'est la déception pour tous ceux qui attendent, dehors, dans le froid. Diwan de Bechar, impatient de rencontrer son grand public, ne veut surtout pas les faire attendre. Aussitôt installés, le bendir commence à chauffer. «Ya Allah, que la fête commence». Le son du banjo, du mandole et du violon se mêlent et s'entrelacent. L'indispensable et l'inévitable karkabou ne tardera pas à donner le tempo à tous ces jeunes qui, immédiatement, plongeront dans un univers d'ivresse maléfique. Le groupe enchaîne avec des chansons tout en accélérant le rythme. Ces jeunes chantent, dansent et crient. C'est un tourbillon de folie. Mais que fait ce jeune là-haut sur les gradins tout de blanc vêtu en vrai homme de Béchar, on croirait qu'il cherche à voler. Et ces filles là-bas qui remuent leurs longs cheveux et leurs corps, avec des gestes synchronisés et réguliers, chercheraient-elles à s'évanouir? Elles ne s'arrêtent plus. «Il faut que le karkabou le fasse d'abord», ironise l'une d'elles. Tout le monde s'oublie, tout le monde est pris au piège du délire. C'est l'ivresse, la folie totale. Ça doit être ça le Nirvana. Avec El goumari ou encore La illah illa Allah et vous ne saurez plus distinguer les artistes du public, ou plus, la scène des gradins. Ils ne forment plus qu'un Bla seba, qui saura faire chavirer les coeurs parce que ces jeunes, dont la tranche d'âge ne dépasse pas la trentaine, ont vécu au moins une mauvaise expérience sentimentale dans leur vie. Comme le dit si bien Nesrine, 24 ans: «Je me sens et je me vois à travers cette chanson.» Au cours du spectacle, le groupe interrompra, à plusieurs reprises, ces chansons pour dire: «Merci» à ce jeune public. Tellement ce public était magnifique. Le leader soulignera qu' «avec des encouragements de la sorte on ne pourra qu'améliorer et perfectionner notre travail. Ce qui nous aidera forcément à enrichir et à varier notre répertoire musical». Vers la fin de ce grand et inoubliable spectacle, la voix de la raison refait surface au moment où le groupe décidera de chanter Sabra wa Chatila pour rendre hommage aux enfants palestiniens. Comme dans tout autre concert, pour marquer la fin, le leader présentera le groupe un par un. Sauf que le public a refusé de partir. «C'était trop chaud et trop beau, on voulait faire durer le plaisir», dira un jeune spectateur. Que faire, si ce n'est obéir à ce public qui est roi? Puisque le groupe Diwan s'est vu repartir pour une bonne heure de folie. Qui aurait parié sur les rencontres musicales d'un petit groupe de jeunes émigrés? Un groupe qui profitait des moments perdus, autour d'une gaada nostalgique pour revivre les souvenirs du pays. Qui aurait dit que suite à un caprice de star, une carrière artistique et non des moindres s'ouvrirait à eux.