Quoi qu'il en soit, une nouvelle ère commence en Algérie. Pour la première fois dans l'histoire du pays, des médecins algériens ont réussi avec brio une opération de greffe d'organes (prélevés sur un donneur décédé). Les deux reins vont soulager la souffrance de deux malades, un homme de 50 ans dialysé depuis 11 mois et une femme, souffrant d'insuffisance rénale. L'opération qui a duré trois heures, s'est déroulée à la clinique Dakssi à Constantine, et a été effectuée selon les normes internationales en vigueur et en conformité avec la législation algérienne, comme l'a assuré M.Abdelhamid Aberkane, ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière qui a assisté personnellement à cette opération. Dans un communiqué rendu public, hier, le ministère a tenu à rendre un hommage particulier, à «l'attitude exemplaire du père de la personne décédée qui a permis le prélèvement des organes de son enfant pour un objectif noble, celui d'atténuer les souffrances de deux malades». La contribution du ministère des Affaires religieuses en matière de sensibilisation de la population a été également saluée. Faut-il rappeler, à ce sujet, que ce genre d'intervention a toujours été considéré comme étant le plus grand tabou dans notre société et ce, à bien des égards. Un petit sondage effectué, hier, auprès d'un public hétéroclite, nous a permis de connaître l'avis des Algériens sur la question. Bien que les esprits commencent à s'ouvrir sur la chose, il n'en reste pas moins qu'ils sont encore nombreux à refuser en bloc ce genre d'opération. Donner un organe d'un «être cher» est carrément inadmissible et inconcevable. Pour d'autres, c'est souvent «l'argument» religieux qui est brandi. Ce sont les termes de «péché» et «la yadjouz», qui reviennent à chaque fois et ce, au moment où le ministère des Affaires religieuses est en passe de mener une véritable campagne de sensibilisation pour corriger, justement, ce genre d'idées reçues qui, pourtant, n'ont aucun fondement en Islam. Y a-t-il, en effet, plus noble que de sauver des vies humaines? Cela étant, il ne faut pas se leurrer et se laisser avoir par certains «marchands» d'organes, qui, pour une poignée de dinars, n'hésitent pas à recourir aux moyens les plus pervers et les plus immoraux pour atteindre leurs aspirations purement mercantilistes. Le premier responsable du secteur qui ne doit certainement pas ignorer l'existence de ce genre de pratiques, a fait allusion au sujet en mettant en garde contre «le trafic d'organes humains à partir de personnes décédées ou vivantes». M.Aberkane citera le cas de plusieurs Algériens victimes, ces dernières années, de ce genre de pratiques après s'être rendus dans des pays arabes (sans les citer nommément), pour une greffe de reins dans la clandestinité. Selon le ministre, nombre d'entre eux ont trouvé la mort au bloc opératoire ou immédiatement après leur retour au pays. Quoi qu'il en soit, une nouvelle ère commence en Algérie. Ce pas de géant qui a été effectué par des compétences algériennes (la première opération ayant été effectuée par les professeurs Sâadoun Bendjaballah et Omar Boudehan), permettra assurément d'économiser les milliards qui étaient déboursés pour la prise en charge des malades à l'étranger, et qui se fera dorénavant en Algérie. Quant au coût de ce genre d'intervention, un responsable au niveau de la direction des structures de santé nous indiquera qu'il n'a pas encore été fixé, car étant encore trop tôt pour se pencher sur ce détail. Mais, ce ne peut être plus cher que ceux de l'étranger. Pour l'heure, on a commencé par la réactualisation des textes de loi régissant ce volet, de manière à l'adapter à la situation en Algérie. Notons que c'est à partir du début de l'année prochaine, que ces interventions seront effectuées dans sept établissements hospitaliers à savoir Mustapha Bacha, Beni Messous, Bab-El-Oued, Annaba, la clinique ophtalmologique d'Oran, la clinique Daksi de Constantine et le Centre Pierre et Marie Curie pour la greffe de foie, tel annoncé par le ministre. La première greffe de foie est programmée en janvier prochain et sera supervisée par le professeur algérien Boudjemaâ Karim qui travaille dans un hôpital en France et sera assisté par un des médecins algériens, tel indiqué dans le communiqué du ministère. Cette première opération consiste à transplanter une partie du foie d'une personne vivante dans le corps d'un malade. La greffe d'organe complet se fera ultérieurement à partir d'un cadavre.