Pour étouffer un scandale, il faut en créer un autre plus grand. Le quotidien Liberté semble avoir pour devise cette expression qui relève de la stratégie politicienne, dont l'un des effets est de retarder l'inéluctable. Le problème de fond est en réalité strictement professionnel. Le titre n'arrive plus à convaincre et est en phase de déclin sur le plan du tirage. Le premier scandale est à ce niveau. Pour masquer cet état de fait, Liberté, qui a bénéficié, sans investir un sou, des services de la nouvelle rotative de la SIA, crie au loup et accuse l'Etat de vouloir bâillonner la liberté d'expression. C'est franchement risible comme argument pour justifier une baisse d'audience manifeste. La thèse développée par ce journal à longueur de colonnes sur deux éditions consécutives, ne tient pas la route pour plusieurs raisons. Il y a d'abord l'énorme investissement consenti par la Société d'impression du centre (SIA) qui consiste en l'acquisition d'un véritable complexe moderne, dont l'objectif est justement de donner à la presse nationale la possibilité matérielle d'améliorer son image au plan esthétique, ce qui est essentiel pour sa survie dans une conjoncture d'ouverture aux titres étrangers. Ce gros investissement, défendu bec et ongles par le P-DG de la SIA, M.Mechat, a été réalisé sans même associer les journaux, dont la majorité est dans l'incapacité de supporter un tel effort financier. C'est dire donc la volonté des pouvoirs publics de garantir, en tout point de vue, le droit à l'information aux Algériens. L'amélioration de la qualité d'impression de Liberté, après celle d'El Watan et d'El Khabar (ces deux titres tirent dans une imprimerie privée), a permis un rééquilibrage de la qualité de l'offre dans le sens où le lecteur a réellement l'embarras du choix, à qualité égale. En aucun cas, on ne peut accu-ser Mechat de servir de relais à des visées «hégémoniques du pouvoir». L'homme fait son travail sans plus. L'autre aspect qu'on peut qualifier d'indéfendable dans la stratégie de Liberté tient de cette tendance à s'approprier le monopole de la liberté d'expression. Celle-ci est plurielle, et le combat pour en faire une donne incontournable n'est pas l'apanage de quelques titres de presse. Les trente-cinq journaux qui font le paysage médiatique algérien sont en droit de réclamer leur droit à l'existence. La commercialité est, certes, un aspect important, mais elle ne doit pas être le seul critère d'appréciation de la situation médiatique en Algérie. Pour preuve, ces mêmes titres qui, maintenant, avancent l'argument du marché, tenaient un tout autre discours au début des années 90. A l'époque, la viabilité de la presse passait par un soutien de l'Etat. En dix ans, force est de constater que cette thèse ne les intéresse plus. Liberté qui en fait partie, entend dicter la loi dans une imprimerie d'Etat pour la simple raison que l'entreprise éditrice est riche et peut se permettre des taux d'invendus faramineux, histoire de masquer sa perte de vitesse, tout en empêchant d'autres journaux de faire leur petit bonhomme de chemin. Alors qui veut nuire à la liberté d'expression?