«Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage.» En effet, la Commission européenne a décidé, le 3 décembre dernier, d'interdire son espace maritime à 66 navires à risque, dont trois battant pavillon algérien. Cette mesure fait suite à la catastrophe du «Prestige»; un navire qui a pollué les côtes espagnoles. Elle a été suivie, le 8 décembre dernier, par la sommation du ministère des Transports aux armateurs nationaux de se conformer aux normes internationales dans ce domaine. Beaucoup ont vu dans ces mesures un pas de plus dans la dégradation de l'image et de l'avenir du pavillon national. Les céréaliers «Aïn Temouchent» et «Nedroma» appartenant à la compagnie nationale Sntm/Cnan, ainsi que le chimiquier «Tamgout», propriété de la société Nolis Spa, ont été inscrits par la Commission européenne sur la liste noire. Ses navires sont considérés comme «dangereux» pour la navigation maritime en raison, précise le ministère, du «nombre élevé de détentions dont ils ont fait l'objet dans les ports européens». Le ministère des Transports a précisé, hier, par la voie de son chargé de communication, que «ses mesures conservatoires sont applicables à tous les armateurs algériens et que les bateaux dont les noms figurent sur la liste cumulent au moins trois détentions par an dans les ports européens. Pour éviter que cette situation se reproduise, les armateurs nationaux ont été instruits de veiller à la mise en conformité, aux normes de sécurité maritime, de l'ensemble de leurs unités», précise la tutelle dans son communiqué du 8 décembre écoulé. Curieusement, personne ne prend le soin d'expliquer qu'une détention dans un port européen peut avoir lieu pour la simple raison qu'un voyant n'est pas allumé. Ces précautions, qui sont prises par l'Europe, s'inspirent également des recommandations de l'Organisation maritime internationale (OMI) qui s'est réunie à Londres le 3 décembre. Selon une porte-parole de l'OMI, ces mesures visent à faciliter l'identification des navires de commerce et de leur équipage (amendements à la convention sur la sauvegarde de la vie humaine à la mer/Solas), et «la sûreté des bateaux et des installations portuaires». Ainsi, on bascule allègrement de l'argument écologique prouvé, vers celui de la lutte contre le terrorisme qui l'est d'autant moins. Des experts du droit maritime soupçonnent les auteurs de ces décisions, présentées comme des mesures d'urgence, de vouloir jeter l'opprobre sur les bateaux battant pavillon algérien pour pousser les armateurs nationaux à commander des navires neufs et soft, et faire fleurir l'industrie navale occidentale. Pour rappel, les bateaux de la Cnan ne contribuent qu'entre 8 à 10% au trafic maritime de marchandises. Les 90% restants étant assurés par des armateurs étrangers. Cela, quand bien même l'armateur public serait en proie à une résistance interne au changement qu'elle opère. En outre, la flotte marchande mondiale est dominée par les USA et le Japon essentiellement. Les armateurs de ces Etats prennent le soin de réimmatriculer les bateaux dans les pays comme la Turquie, la Grèce, le Liberia et les Caraïbes, s'assurant ainsi une couverture en cas de catastrophe maritime. C'est ce que les spécialistes appellent «les pavillons de complaisance».