Le fleuron de l'industrie mécanique en Algérie réalise une très bonne année malgré une situation financière jugée critique. La Société nationale des véhicules industriels (Snvi) de Rouiba a réalisé un chiffre d'affaires provisoire de 13,7 milliards de dinars pour l'exercice 2002. Le fleuron de l'industrie mécanique nationale a également réalisé 19% de son chiffre d'affaires à l'exportation et dispose d'un portefeuille de commandes fermes de 2500 véhicules pour 2003, soit près de 7 mois d'activité. C'est ce qui ressort de la visite guidée effectuée, hier, sur le site de Snvi, par les cadres et le partenaire social de l'entreprise à la demande des journalistes. Le chiffre d'affaires officiel pour 2002 devra atteindre les 15,6 milliards de dinars, selon le directeur général, M.Mokhtar Chahboub, soit une progression de +10% par rapport à 2001 et de + 49% par rapport à l'an 2000. Le poids de l'endettement structurel. La Snvi est l'une des rares entreprises publiques à ne pas avoir bénéficié de l'assainissement décidé par les pouvoirs publics. La condition express émise par le Conseil national des participations de l'Etat (Cnpe) en juin 1998, pour la bancabilité de Snvi était la suppression de 5600 emplois. Devant l'inflexibilité du syndicat et de la direction, l'assainissement n'a pas eu lieu. Snvi traîne ainsi un passif de l'ordre de 50 milliards de dinars - 36 milliards de dinars en soustrayant les 14 milliards d'obligations (principal et intérêts) détenues par l'Etat - qu'elle traîne comme un boulet. Cette performance fait dire au directeur financier de la Snvi que «nous avons réalisé un bon chiffre d'affaires en 2002 malgré une très mauvaise situation financière». Ainsi, depuis 1998, le découvert de la société est géré par la Banque nationale d'Algérie (BNA). Cette relation génère des perturbations dans le programme d'approvisionnement de la chaîne de production en raison des retards enregistrés dans le financement des achats et dans la livraison en respectant les délais. Les frais financiers imputés par la banque sont très lourds à supporter pour l'entreprise. Rien qu'en AGO, la Snvi doit 10 milliards de DA à la BNA depuis 1998. A ce propos, le staff dirigeant de l'entreprise préconise le gel par l'Etat du découvert et des AGO intérêts dus à la banque pour permettre à l'entreprise de renflouer ses caisses pour se mettre en meilleure position avec son bailleur de fonds. Il faut savoir qu'aujourd'hui, la Snvi partage à moitié ses recettes avec la BNA. Cette dernière exige 60% de la recette. Il faut savoir également que l'assainissement des banques publiques n'a pas profité à l'entreprise. Cette opération qui a concerné le rachat par l'Etat des créances douteuses détenues sur les entreprises publiques, n'a pas concerné la Snvi. A titre d'exemple, la Snvi détient une créance de 540 millions de dinars auprès de l'Etusa, et ce, depuis 1996. Malgré les coupes drastiques opérées avec la réduction des effectifs qui passent de 15.600 travailleurs en 1998 à moins de 8000 actuellement, les difficultés n'ont pas réussi à avoir raison de la volonté des travailleurs de l'entreprise qui a détenu en 2001 47% de parts du marché national, avec 40% de ses livraisons effectuées pour le compte du ministère de la Défense nationale (MDN). Issue de la restructuration de la Sonacome, la Snvi a démarré son activité sans fonds propres. Elle a dû recourir aux crédits bancaires à un taux de 14% pour survivre. En plus, la perte de change induite par la dévaluation du dinar a valu à l'entreprise 7 milliards de DA de perte entre 1993 et 1995. Aujourd'hui, la Snvi s'apprête à mettre au profit du programme national d'appui à la relance économique 30 à 40% de ses capacités de production. Des discussions avec le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales sont en cours pour un programme pluriannuel d'équipement des collectivités locales (Wilayas, communes et entreprises locales) en véhicules et engins. Le partenaire social très actif de la Snvi, représenté par le secrétaire général du syndicat n'a pas mâché ses mots en ce qui concerne le passé et le devenir de cette entité industrielle. M.Benmouloud Mohand Améziane dira: «L'Etat utilise comme argument la dette de l'entreprise pour nous maintenir dans l'asphyxie.» Il dénoncera la fin de non-recevoir réservée au dossier déposé par l'entreprise auprès de l'ex-ministère de la Participation et de la Coordination des réformes (Mpci). Il n'omettra pas de réitérer le rejet d'un partenariat de type Ispat-El-Hadjar. Avant septembre 1998, deux grosses cylindrées étaient en concurrence pour prendre des actions dans le capital social de la Snvi. Avec le constructeur allemand, l'entreprise publique envisageait de produire 500 autocars et 1200 camions. Or, l'adoption de la loi de finances 2002 qui consacre le démantèlement tarifaire a fait prendre une position de recul aux deux géants industriels. La Snvi ambitionnait de s'allier à ces gros constructeurs pour profiter de leur technologie et des débouchés dans le marché extérieur. La conséquence de l'instauration du Droit additionnel provisoire (DAP) d'un taux de 5% au moment où les intrants importés par la Snvi étaient taxés entre 15 et 30% a été l'émergence de quatre propositions de montage de véhicules en formule SKD. Ce qui fera dire aux responsables que cette mesure va encourager la «concurrence déloyale». La Snvi entame l'année 2003 sous de bons auspices. En effet, deux projets de partenariat majeurs devraient voir le jour sous peu. Le premier est celui de l'association entre la Snvi et ZF, un groupe allemand leader mondial dans la fabrication de la boîte de vitesses haut de gamme. Le projet d'un montant de 1 million d'euros, qui verra le jour durant le premier trimestre de l'année en cours et qui se présente sous forme de Sarl (80% pour ZF et 20% pour la Snvi), consiste à fabriquer 2500 boîtes de vitesses qui seront montées sur les véhicules de la Snvi et d'autres constructeurs algériens, avec un taux d'intégration assez intéressant puisque ZF a accepté le principe d'intégrer des composants fabriqués par les sous-traitants locaux. En termes de perspective 2003, le directeur général, M.Mokhtar Chahboub a parlé de la livraison des 50% restants de la commande de véhicules destinés au Gabon pour un montant total de 12,5 millions de dollars, la possible obtention d'un marché de 200 autocars pour la Syrie et, bien entendu, le maintien de la livraison de véhicules en direction du continent africain (Tunisie, Maroc, Libye, Gabon, Sénégal, Soudan, etc.). Enfin, le sort de l'entreprise stratégique Snvi, qui commence à peine à «sortir la tête de l'eau», devra faire l'objet de décision lors de la prochaine réunion du Conseil des participations de l'Etat (CPE) prévue pour bientôt. La direction et le partenaire social de l'entreprise ne comptent pas laisser cette opportunité leur échapper. D'autant que le principe d'entreprise stratégique de l'Etat est maintenant établi et que le spectre de la privatisation est balayé. Enfin, l'Etat semble aujourd'hui favorable à l'effacement de la dette de l'entreprise.