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Rush nocturne sur les bazars de l'Aïd
malgré les prix élevés et la qualité douteuse des vêtements
Publié dans Liberté le 25 - 09 - 2008

Cette occupation illégale des espaces réservés aux piétons engendre des embouteillages monstres sur la chaussée que sont obligés d'emprunter les promeneurs. Dans ce brouhaha indescriptible, le commerce est florissant.
Sitôt le f'tour avalé, des commerçants occasionnels investissent les trottoirs qu'ils transforment en espaces de vente de produits vestimentaires à la qualité douteuse.
Des enfants qui supplient leurs parents. Des parents qui s'emportent car ils n'ont pas les moyens pour des achats onéreux. Des commerçants qui vantent à tue-tête la “qualité” et les prix “abordables” dont ils jurent vouloir “faire profiter les croyants” en ce mois sacré du Ramadhan.
À Bab El-Oued, dont la moindre parcelle de trottoir est occupée par des jeunes qui estiment qu'il vaut mieux, pour eux et pour la société, qu'ils s'adonnent au commerce informel que de se lancer dans le vol et le trafic de drogue. Les rideaux baissés des magasins qui ne sont ouverts que le jour sont utilisés, le soir venu, comme présentoir par ces commerçants occasionnels. Cette occupation illégale des espaces réservés aux piétons engendre des embouteillages monstres sur la chaussée que sont obligés d'emprunter les promeneurs. Dans ce brouhaha indescriptible, le commerce est florissant : les vendeurs et les acheteurs arrivent à s'entendre et à réaliser des transactions.
En cette veille d'Aïd-el-Fitr, ce sont surtout les habits et les chaussures qui ont la cote. Sur les étals de fortune, des produits importés de tous les pays du monde sont exposés.
Des ensembles pour filles, des pantalons et des vestes pour garçons sont accrochés de telle sorte à attirer l'attention. “Maman, je veux cet ensemble ! Il me plaît et je voudrais le porter le jour de l'Aïd !”, supplie une fillette. Cette dernière s'approche de l'étal et palpe l'étoffe qu'elle trouve de piètre qualité : “mais tu oublies que tu es allergique à certains textiles non naturels”. La fillette se met alors à pleurer, mais cela ne change en rien l'attitude de la mère. “J'aime ma fille, mais comme elle est allergique, je ne peux accéder à tous ses caprices. Je préfère supporter ses larmes que d'être obligée ensuite de la transporter à l'hôpital”, explique cette femme qui regrette les années Sonitex où la qualité des tissus était de loin meilleure. “Le plus souvent, les marchandises importées ne sont pas contrôlées et cela peut avoir des effets néfastes sur la santé des enfants”, ajoute la même cliente. Pourtant, même si la qualité des vêtements laisse à désirer, les prix auxquels ils sont proposés dépassent tout entendement, selon les acheteurs. “Comment voulez-vous que je puisse habiller mes enfants, alors que les prix sont inabordables ? Le Ramadhan et la rentrée scolaire viennent de nous ruiner, et voilà que l'Aïd pointe du nez. Je ne sais vraiment pas comment faire pour acheter des habits à mes 5 enfants tous scolarisés !”, se plaint un quinquagénaire rencontré sous les arcades de la rue Boubella, à Bab El-Oued. Les prix affichés donnent, en effet, le tournis.
Le moindre ensemble pour fillettes n'est pas cédé à moins de 1 500 dinars. Les prix des pantalons pour garçonnet vont de 800 à 1 700 dinars, selon la taille. Les vestes pour garçon coûtent à peu près 1 600 dinars. Les robes ne sont pas en reste car elles sont proposées en moyenne à 1 200 dinars. Les sous-vêtements pour les enfants ont connu une véritable hausse cette année, selon les acheteurs.
Les étals improvisés sur les trottoirs et les magasins proposent des habits importés souvent de Chine, sinon de Syrie ou de Turquie. Impossible de dénicher la moindre trace de vêtement de fabrication algérienne. “Regardez, tous les vêtements vendus sont importés. Je me rappelle encore quand l'Algérien était habillé avec des vêtements sortis de nos ateliers de confection. La qualité était de loin meilleure que cette pacotille proposée aujourd'hui à nos enfants”, regrette un des rares commerçants à ne vendre que des vêtements algériens, mais le choix qu'il offre est limité : les sous-vêtements pour hommes, des chemises et des gandouras traditionnelles algériennes. Ce même commerçant estime que cette économie de bazar sanctionne l'industrie algérienne.
Il affirme avoir une clientèle fidèle prête à mettre le prix lorsqu'il s'agit de qualité. “Regardez ce tricot de corps fabriqué en Algérie. Il est 100% coton. Il coûte certes 150 dinars mais il va durer. Ceux vendus dans le marché à 100 dinars sont en acrylique, une matière synthétique qui peut même irriter la peau”, explique le même commerçant. Les prix sont tellement chers que des parents se rabattent sur les magasins spécialisés dans la friperie (commerce de vêtements déjà utilisés). Ces parents se rendent dans ces commerces seuls, ils ne sont pas accompagnés de leurs enfants. Souvent c'est au père qu'incombe cette tâche de ramener des habits à bon prix, mais pas neufs. “Je ne peux acheter des vêtements neufs à mes enfants d'autant que j'en ai 6. Ici, je peux habiller mes enfants et à moindre coût. Evidemment, je ne leur dirai pas d'où proviennent leurs habits de l'Aïd”, affirme un père de famille au revenu modeste.
Le propriétaire de cette friperie estime que les vêtements qu'il vend sont de bonne qualité car d'origine allemande : “Ils sont contrôlés et sont parfois comme neufs car portés juste une ou deus fois.”
Cette rentrée est particulière, car elle a coïncidé avec trois évènements majeurs (rentrée scolaire, Ramadhan et Aïd). Les parents n'arrivent que difficilement à joindre les deux bouts.
Djafar Amrane


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