Le Maroc semble vouloir réviser son attitude à l'égard de ses islamistes qu'il avait pensé fréquentables. Saisissant l'opportunité de la première comparution devant le procureur général du roi (Mohammed VI) d'islamistes impliqués dans les attentats perpétrés à Casablanca le 16 mai, le ministre de la Justice marocain a adressé une véritable mise en garde aux partis et associations islamiques, les invitant à réviser leurs positions au sujet de l'utilisation de la religion dans leurs discours et activités. Réfutant la thèse en vogue selon laquelle la misère conduit au terrorisme islamiste, M. Bouzoubâa les a pratiquement menacés de suspension. Pour le pouvoir marocain, devait-il annoncer, personne n'a le droit de monopoliser l'islam ou de l'utiliser comme prétexte. La loi marocaine sur les partis et associations l'interdit fermement. Le Maroc, après avoir fait preuve de laxisme dans la gestion de cette question, certainement pour se donner un répit face à la chaudière sociale, découvre brutalement la logique de ce fonds de commerce. L'islamisme légal n'est modéré que pour conquérir, même à petits pas, des places dans l'échiquier du pouvoir. Le PJD (Parti justice et développement) dont la représentation au Parlement est passée en cinq années de 14 sièges (1997) à 43 (2002) talonnant l'USFP et le parti de l'Istiqlal, a promis de frapper le grand coup lors des prochaines élections locales repoussées par le Palais royal et le gouvernement à l'automne prochain, justement à cause de cette perspective. Le PJD et d'autres organisations islamistes qui siègent dans les institutions du Maroc ne l'ont pas caché : ils ne se contenteront plus d'un rôle de référence, ils veulent la prise des municipalités pour conquérir tout le pouvoir. Ce qui n'est pas illégitime par principe puisque tous les partis ont une vocation gouvernementale, mais avec les islamistes, une fois au pouvoir, plus question de les remettre en cause et plus question pour eux de se prêter au jeu démocratique établissant des sanctions par voie électorale. Avec eux, plus d'alternance. Le PJD, profitant de son statut légal a élargi ses relais associatifs, maillant d'autres pans de la société, sous le couvert de réislamisation. Il a promis aux Marocains et Marocaines un nouveau projet gIobal de société, entièrement assis sur les préceptes de l'islam. Les attentats de Casablanca ont, apparemment, contrarié l'assurance de ce parti qui s'est vu contraint de condamner le terrorisme islamiste en prenant soin, cela va de soi, de faire assumer sa paternité à des étrangers. Mais, pour la société civile marocaine, ses organisations démocratiques et la coalition gouvernementale (USFP, RNI et PPS) qui ont battu le pavé dimanche à Casablanca pour fustiger le terrorisme, c'est tout l'islamisme qu'il faut rejeter. Devant cette levée de bouclier, le PJD a renoncé à prendre part à cette manifestation. Il avait souhaité organiser une marche parallèle, le gouvernement la lui a refusé. Fortement soutenu par la communauté internationale, Mohammed VI, estime-t-il, que le temps des compromis est arrivé à son terme ? Les déclarations de son ministre de la Justice sont parlantes, mais il faut attendre le procès en cours des kamikazes marocains. En attendant, le Parlement a adopté une nouvelle série de lois antiterroristes et le PJD ne s'est pas opposé. D. B.