Retournement Les attentats du 16 mai dernier à Casablanca ont changé la donne. Ils ont, à la fois, affaibli les islamistes, contraints d'adopter un profil bas, et poussé la monarchie à réaffirmer sa volonté de modernité. En 1999, le gouvernement marocain, alors présidé par le socialiste Abderrahmane Youssoufi, avait tenté de faire passer un «plan d'action pour l'intégration de la femme au développement» qui comprenait une réforme de la Moudawana, allant peu ou prou dans le même sens que le nouveau texte qui vient d?être adopté par le Parlement marocain. Mais il s'était heurté à une levée de boucliers : tollé dans les mosquées, prêches incendiaires, manifestation monstre le 12 mars 2000 à Casablanca. Et il avait, finalement, retiré son projet pour en appeler à l'arbitrage du roi. Lequel avait nommé une commission. Nombreux étaient alors ceux qui pensaient que la réforme serait enterrée : la composition de la commission n'invitait guère à l'optimisme et les islamistes, devenus la première force d'opposition parlementaire après les élections législatives du 27 septembre 2002, avaient le vent en poupe. Les attentats du 16 mai dernier à Casablanca ont changé la donne. Ils ont à la fois affaibli les islamistes contraints d'adopter un profil bas, et poussé la monarchie à réaffirmer sa volonté de modernité. Le roi a su saisir l'occasion pour faire passer sa réforme. Mais, au-delà de cette gestion habile du calendrier, Mohammed VI était décidé, de l'avis général, à faire bouger les choses dans un domaine qui lui tient à c?ur. «Comment espérer assurer progrès et prospérité à une société alors que les femmes qui en constituent la moitié voient leurs droits bafoués ?», s'interrogeait-il dès le 20 août 1999, dans un discours prononcé moins d'un mois après son accession au trône. Le travail de la commission a été passé au peigne fin, en petit comité, par quelques-uns de ses collaborateurs les plus proches, dont Ahmed Toufik, ministre des Habous et des Affaires religieuses, et Zoulikha Naciri, conseillère pour les affaires sociales et seule femme membre du cabinet royal. «Il fallait, souligne Zoulikha Naciri, concilier la modernité et la référence à l'islam. L'idée était d'être le plus ouvert et le plus moderne possible, tout en restant dans le cadre de la loi islamique, grâce à l'ijtihad, qui permet l'exégèse des textes. Pour le souverain, cette démarche était incontournable, parce que seule à même de préserver la cohésion de la société marocaine.»