L'affaire de l'accession empêchée du RC Kouba est significative à plus d'un titre. À commencer par l'élément administratif de la vie nationale. Pourquoi, en effet, un jeune sportif de l'élite — ou ce qui tient lieu d'élite — a été contraint de jouer avec l'identité de son frère ? La question mérite d'être posée. Dans notre système bureaucratisé, toutes les activités sont soumises à des procédures d'agrément qui nécessitent la collecte de documents variés qu'il faut solliciter auprès d'administrations pas toujours efficientes. Souvent, le préposé, s'érigeant plus souvent en contrôleur avant de remplir sa fonction d'exécutant, ne délivre la pièce réclamée qu'une fois tous les prétextes à refuser l'octroi du document épuisés. Le réflexe de contourner l'obstacle par l'intervention, la corruption et le faux, allant jusqu'à l'emprunt d'identité, se cultive tout naturellement. Le cas du certificat de résidence est édifiant. En faisant du fichier électoral, si peu fiable et si souvent manipulé, un fichier de résidents, l'administration pousse les citoyens à aller se procurer ce certificat de domicile là où ils peuvent, par le truchement des connaissances et, notamment, du certificat d'hébergement de complaisance. Il ne faut pas s'étonner que le ministère de l'Intérieur continue, depuis les dernières élections législatives, à se demander et à demander à des millions d'Algériens où ils habitent. Le primat du contrôle policier de la population sur le service public fait qu'aucune opération d'assainissement local ou national n'a jamais eu lieu. Ce qui autorise le doute sur les résultats d'un recensement officiel, malgré ses prétentions de précision. Il est difficile de croire, par exemple, que le taux de 17% de ruraux corresponde à la réalité sociologique du pays. La carte d'identité, malgré les promesses récurrentes, est de même format et son obtention demande le même “dossier” depuis l'Indépendance. En un mot, les procédures coloniales que la France a révolutionnées plusieurs fois chez elle, depuis, ont toujours cours. “Positif” ou “négatif”, l'effet le mieux conservé de la colonisation, c'est la bureaucratie. Ce n'est pas sans intérêt que ce qui est un handicap à une vie sociale fluide constitue un précieux butin de guerre. Il octroie à des fonctionnaires un pouvoir d'obstruction, un pouvoir illégitime mais d'une réelle efficacité, comme dans le cas des agréments de toutes sortes qui, au mieux, sont refusés, au pire, “ne sont jamais prêts” ; il permet à d'autres de dissimuler leur incompétence, en enterrant une procédure par le pourrissement. C'est encore l'exemple sportif des péripéties de “l'affaire RCK” qui illustrera l'usage autocratique qui est fait de la bureaucratie. Après avoir tergiversé en s'obligeant à des recours contre la décision du TAS, la FAF vient d'inventer une démarche inédite en matière de justice : demander “des explications” à un tribunal après avoir été partie d'un procès ! Le spécieux prétexte est ainsi brandi, sans sourire, par les responsables d'une instance sportive nationale affiliée à l'organisation mondiale de football. La bureaucratie, ça ne sert pas qu'à nous pourrir la vie ; elle a donné vie à un mode de gestion : la gouvernance par le pourrissement. Et il n'y a pas que la FAF qui en use. M. H. [email protected]