Des centaines de malades sont encore hospitalisés et parmi eux de nombreux cas très graves. Harassés par une semaine durant laquelle ils ont travaillé jour et nuit, les médecins s'occupent maintenant de blessés qui ne présentent plus d'urgence dans la majorité des cas. L'hôpital de Douéra, renommé pour son service de traumatologie, a réceptionné 300 victimes depuis le 21 mai. Il a fallu parer au plus urgent et tous les chirurgiens ont tous rejoint leur poste de travail quelques instants après la catastrophe. Pas moins de 8 blocs opératoires ont été nécessaires pour répondre au flux de malades. Le Dr Taoussi, spécialiste en chirurgie plastique à l'hôpital de Douéra, mérite tous les égards pour son courage et son abnégation. Au moment du séisme, il était chez des amis à Réghaïa. Il s'empresse alors de rentrer chez lui à Boudouaou, où il apprend que son épouse, gravement blessée, a été évacuée vers l'hôpital de Rouiba. Pris de panique, il se rend au chevet de sa femme qu'il transporte par ses propres moyens à l'hôpital de Douéra. Il la confie alors à ses confrères avant d'enfiler sa tenue de bloc et d'intégrer une équipe chirurgicale. Il oublie sa femme, car il est appelé à travailler toute la nuit. Ce n'est que le lendemain matin qu'il se renseigne sur son état. Et c'est là qu'il apprend qu'elle a été opérée en urgence. “Ma femme était sur le point d'accoucher. Pour la sauver, il a fallu recourir à une césarienne, pour constater que le bébé était mort”, dit-il. Son épouse souffre de fractures du tibia, du péroné et du bassin. Elle doit supporter des fixateurs extérieurs sur l'abdomen et le membre inférieur droit. Elle ne peut se retourner ni gauche ni à droite sur son lit où elle est constamment sur le dos. Toujours au service femmes, se trouve une dame qui ne sait rien de son malheur. Certes, elle est consciente qu'il y a eu un tremblement de terre et qu'elle s'en est sortie avec une fracture à l'épaule, mais elle ignore encore que son fils âgé de 2 ans et son mari sont décédés. “Nous allons faire appel à un psychologue”, explique un médecin. Samia, une petite fille de 10 ans, souffre de fractures au bassin et à la jambe. Sa mère et son frère sont inquiets à son sujet. Avec sa petite voix, elle raconte ce qu'il lui est arrivé : “J'était dehors avec une amie et un cousin. Un mur est tombé sur nous.” Dans son lit, Samia, 24 ans, s'inquiète surtout pour sa mère qui est à l'hôpital de Aïn-Naâdja. Elle souffre, elle aussi, d'une fracture du bassin qu'il faut traiter par traction, elle doit supporter un poids durant les 21 premiers jours. Ensuite, il faut lester un peu plus ce même poids. “Je n'ai aucune nouvelle de ma mère”, se plaint-elle. Une dame de 45 ans et mère de famille est alitée depuis le séisme. Elle ne pourra plus marcher, suite à une fracture du rachis. Elle préfère garder le silence, comme pour conjurer le sort. Djoher, âgée de 64 ans, ne veut pas sortir de l'hôpital même si pour les médecins, elle peut bien retourner chez elle. “Je n'ai pas où aller. Ma maison est démolie. Pensez-vous que je serai à l'aise sous une tente avec une fracture à la hanche ?”, dit-elle. Elle n'oublie pas de préciser que son sixième enfant est handicapé. “Nous rencontrons souvent ce genre de cas”, affirme le Dr Chekireh, chargée des activités médicales à l'hôpital de Douéra. Le Pr Mekhaldi, chef de service traumatologie, tient à préciser : “Nous avons réalisé 100 interventions chirurgicales, entre mercredi et lundi. Nous avons opéré à la chaîne.” L'hôpital Mustapha d'Alger a accueilli quelque 750 victimes du séisme. Jusqu'à hier, à 10h, 34 décès parmi les sinistrés ont été enregistrés. La pupart des blessés ont été admis au service Bichat. Smaïl, un jeune homme de 21 ans, originaire de Aïn Bessam, a été amputé de la jambe gauche. Il était entouré de sa famille et de ses camarade de fac. “Je suis étudiant en 1re année à l'INA. Au moment du tremblement de terre, j'étais dans ma chambre à la cité universitaire de Corso. Je me suis jeté par la fenêtre située au 1er étage”, dit-il. Fatma-Zohra, âgé de 23 ans, est étudiante en CAPA (préparation au métier d'avocat), elle souffre d'une fracture à la jambe droite. Dans la chambre d'à côté, se trouve sa sœur aînée, venue de Skikda (d'où elles sont originaires) pour lui rendre visite. “Nous étions chez de la famille à Cinq Maisons et nous avons sauté du 1er étage”, dit Fatma-Zohra. Djamila, qui habite dans une ferme, à Bateau Cassé, à Bordj El-Kiffan, est entourée de sa famille. Elle aussi souffre de plusieurs traumatismes. Son mari est hors de lui. “Ecrivez que depuis le séisme, personne ne s'est inquiété des survivants. Nous n'avons rien, ni tente, ni nourriture.” La belle Ouarda, âgée de 12 ans, qui habite Bordj Ménaïel, est en train de jouer avec deux poupées auxquelles elle n'a pas encore attribué de nom. “Des personnes gentilles sont venues me voir et elles m'ont donné ces deux poupées”, dit-elle souriante. Elle souffre d'une fracture à la jambe gauche et d'une petite plaie à la cheville droite. À noter, enfin, qu'aux hôpitaux de Douéra et de Mustapha-Bacha, les victimes n'ont pas manqué d'éloges pour les équipes médicales et paramédicales qui ont travaillé d'arrache-pied depuis le début du séisme. S. I.