Entendu dans un cimetière, à l'occasion malheureuse de l'enterrement d'un journaliste : “Nous avons maintenant des paparazzis”, allusion aux photographes, nombreux, venus couvrir l'enterrement de leur aîné confrère. Le malaise que suscite la présence d'un journaliste et d'un photographe, chez beaucoup, est compréhensible dans un système basé sur l'opacité et le grenouillage. La combine constituant le procédé de résolution des problèmes sociaux et professionnels des personnes intégrées au système, celles-ci n'aiment pas être surprises dans une de leurs honteuses attitudes de servilité ou d'allégeance quand, dans ces occasions, s'exprime leur inclination à l'empressement intéressé. La gêne de ces personnes pas tranquilles de leur auto-avilissement quand elles sont en société, en “haute” société surtout, se transforme en haine pour ceux dont le métier est de fixer les scènes de notre vie publique. Elles se sont accommodées de l'existence de la mafia et elles n'arrivent pas à s'accommoder de l'existence de paparazzis, qui en sont pourtant le corollaire ! Au demeurant, quand la fréquentation, en plus d'être profitable, est jugée honorable par le courtisan, elles s'attardent dans l'embrassade et l'échange de civilité dans l'espoir que ce pacte accidentel, voire provoqué, soit immortalisé par un photographe providentiel. Cette scène nous a été rappelée par la déclaration du président de l'Assemblée nationale, soutenant qu'une certaine presse serait déçue de voir que la crise financière internationale n'ait pas d'impact sur l'Algérie. Ziari, à qui il arrive, comme à tous nos responsables, d'encenser la presse, la décrie quand le ton général ne convient pas au discours qu'il veut imposer. Ces procès expéditifs par lesquels ils prononcent, sans discernement, une condamnation d'une profession générique prouvent leur incapacité à exercer dans un contexte de débats. Ziari place sa sentence sous le sceau du patriotisme puisque la presse, au moins en partie, est déclarée contrariée de ne pas voir l'Algérie en difficulté malgré la crise financière mondiale. En d'autres termes, les journalistes en question auraient été enchantés de voir leur pays sanctionné, lui aussi, par la crise. Cette appropriation autoritaire du sentiment patriotique revient à un détournement politique et constitue une caractéristique des dictatures. En démocratie, on ne juge pas du patriotisme qui reste un sentiment intime, mais de la seule citoyenneté des… citoyens. C'est-à-dire de leur respect de la loi. En démocratie, toujours, là où l'on n'invente pas des délits pour les journalistes. On le voit : l'expression “libre” est souhaitable quand elle convient aux opérations de mystification médiatiques ; elle est abominée quand elle les contrarie. Il se cultive alors une conduite d'attraction-répulsion envers la presse. Ce comportement est symptomatique de l'effet anxiogène de la liberté de presse sur des acteurs sociaux et politiques qui savent que, dans leur cas plus que dans d'autres, toute vérité n'est pas bonne à dire. On le voit bien ; malgré ses dérives, impardonnables parfois, ce n'est pas la presse qui va le plus mal. M. H. [email protected]