Photo : Riad Par Ali Boukhlef Il n'y a pas de mort heureuse. Cependant, celle qui a emporté le colonel Ali Tounsi est plus que choquante. Et c'est ce sentiment, conjugué à la onsternation et à l'incompréhension, qui s'est dégagé hier sur les visages des très nombreux présents aux funérailles du patron de la Sûreté nationale.Et il fallait voir les visages crispés et blêmes du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et de son ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, présents tous deux au cimetière d'El Alia, au même titre que la totalité du gouvernement, pour s'en rendre compte. Cela fait très longtemps en effet qu'une inhumation n'a suscité autant d'intérêt : de hauts cadres de l'Etat, civils et militaires confondus, réunis autour d'Ahmed Ouyahia, jusqu'à des citoyens ordinaires. Le carré des martyrs d'El Alia a eu du mal à contenir l'assistance ! La tâche était aussi des plus délicates pour les services de protection des personnalités, parce qu'en plus du devoir de protéger les différents cadres de l'Etat, il faut faire preuve d'une irréprochable délicatesse qui sied à l'évènement. Mais avant El Alia, la dépouille mortelle du colonel Tounsi a été exposée, dans la matinée, au sein de l'Ecole supérieure de police de Châteauneuf, sur les hauteurs de la capitale. Ironie du sort, c'est dans la salle des banquets, où la dépouille a été exposée, que le défunt avait promu son assassin présumé, le colonel Chouaïb Oultache, il y a trois années de cela. Pourtant, l'heure n'est pas à la vengeance : la procession des hommes en bleu, unanimes à rendre hommage à leur chef, est interminable. Le gouvernement était représenté par Ahmed Ouyahia, Mourad Medelci, Yazid Zerhouni, Abdelaziz Belkhadem et Azzedine Mihoubi, venus rendre un dernier hommage au colonel «El Ghouti», de son nom de guerre. Notons également la présence de Saïd et Nacer Bouteflika.Après la prière, c'est donc un cimetière d'El Alia bondé de monde depuis les premières heures de la matinée qui devait «accueillir» la dépouille mortelle. Avant l'arrivée de cette dernière, le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre arrivent vers 14 heures. Avant eux, les autres membres du gouvernement, plutôt discrets, sont un peu étachés de la foule. Ils rejoignent leur chef peu après son arrivée. Si Ouyahia est souvent «aimable» avec la presse, il ne prononce aucun mot cette fois-ci. A une question d'un journaliste, il répond sur un ton empreint d'un regard plutôt sévère. L'heure n'est visiblement pas aux discours. C'est la même attitude qu'a exprimée Zerhouni. Les deux hommes avaient les larmes aux yeux. Même leurs échanges, sous les cliquetis des photographes et les regards ébahis des journalistes, sont très brefs. L'ambiance est véritablement à la tristesse.L'arrivée de la dépouille mortelle, vingt minutes plus tard, portée par des policiers en uniforme, met fin à cette longue attente. Difficile de se frayer un chemin. La foule devient de plus en dense. Et la rue qui mène à l'estrade, érigée spécialement pour l'occasion, est étroite. A cela, il faut se battre, notamment avec les photographes de presse, pour que la procession progresse. Malgré cela, le service d'ordre a réussi à maîtriser ses nerfs. «Nous venons de perdre un directeur et un collègue», lance, dépité, le commissaire principal Lakhdar Dehini, qui a lu l'oraison funèbre. Après avoir rappelé le parcours du défunt, l'orateur fait le serment : «Nous te promettons que nous allons poursuivre ton projet de rapprocher la police de tous les citoyens dans les quatre coins du pays. Nous te promettons de poursuivre l'effort de modernisation de la police…», a-t-il lancé. Un silence plane sur le cimetière. «C'est le sort qu'on réserve aux moudjahidine authentiques, ceux qui ont cassé la France», lance un vieux, brisant le silence. Personne ne branche. On essaie, cahin-caha, de suivre la procession funèbre jusqu'au lieu de l'enterrement. Vers 15 heures, la dépouille de Ali Tounsi est mise en terre. A côté d'un de ses compagnons d'armes, le général Belloucif. La foule se disperse tandis que le ciel, déjouant toutes les prévisions de la météo, commence à laisser filer une petite bruine. C'est la grisaille dans Alger. Quant à l'assassin présumé, les dernières rumeurs disent qu'il a repris conscience.