Depuis le second coup d'Etat militaire en Mauritanie, l'Afrique entière s'est découvert un attachement inédit pour la démocratie. Après l'UA, c'est au tour du fameux “Mécanisme d'évaluation par les pairs (MAEP)”. S'appuyant sur la position de… l'Union européenne, Jean Ping, le président de la Commission de l'UA, déclarait : “Nous sommes en harmonie avec l'UE sur la situation en Mauritanie.” Ce qui, donc, devrait légitimer la quarantaine de la junte. Facile harmonie s'il s'agit d'isoler le seul maillon faible des dictatures du continent. Même le Paris-Dakar l'a déjà fui. Que l'Afrique réfute les coups d'Etat ne veut pas dire qu'elle se fait exigeante de démocratie. Les “pairs”, qui aiment la stabilité, préfèrent les putschs à rebours et les encouragent même : il s'agit là d'empêcher tout nouveau venu et de maintenir, par tous les moyens, par les “élections” d'abord, par la force si le vote tourne mal comme au Kenya ou au Zimbabwe, le dictateur déjà en place. Beaucoup de chefs d'Etat africains sont des putschistes confirmés par des “élections” ultérieures. Aujourd'hui, même en Afrique, ça ne fait pas beau d'arriver directement de la caserne à la présidence. Mais quand on y est, on peut tout faire pour y rester : le trucage, la force ou la terreur. L'Europe pourra même venir “observer”, comme au Togo, en RDC ou au Kenya. D'être “en harmonie” avec l'Europe n'est pas un gage d'avancée démocratique. Pour les besoins de la gestion de ses opinions publiques, l'Europe donne, de temps à autre, un tyran à pendre par médias interposés. Au sommet Europe-Afrique, c'était Mugabe, le pestiféré, mais pas Bongo ni N'Guessou. Aujourd'hui, c'est le général Ould Abdelaziz. Et encore, les Premiers ministres anglais et tchèques seuls ont jugé utile de boycotter la réunion de Lisbonne. D'ailleurs, le Maghreb, dont les régimes connaissant la relativité des positions de principe, n'a pas suspendu la Mauritanie de l'UMA. Pourtant, ils devraient être, à leur tour, “en harmonie” avec l'UA dont ils sont tous membres, et transitivement “en harmonie” avec l'UE. Et même directement : UPM oblige ! Au lieu de cela, le secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe a solennellement déclaré, hier à Tunis, au moment d'annoncer la prochaine réunion des gouverneurs de banques centrales des pays de l'UMA, que “la Mauritanie est un pays fondateur de l'UMA et sera présente à toutes les réunions qui se tiendront”. L'UA semble vouloir, par le cas mauritanien, s'arrimer à un effet de mode en “sacrifiant” un nouveau venu dans un ordre continental presque tout entier bâti sur la logique du coup de force, souvent mené en harmonie avec les puissances. La démocratie, aujourd'hui apprivoisée, sert à maintenir le fait accompli. L'harmonie avec l'Occident joyeusement constatée n'est-elle pas recherchée quand il s'agit d'un Zimbabwe affamé par un Président maladivement agrippé à son siège, d'un Darfour dépeuplé par un régime génocidaire ou d'une Guinée équatoriale depuis trente ans terrorisée par un président Obiang qui avait tué son oncle pour s'emparer du pouvoir ? Ou bien s'agit-il de nous faire croire que la seule junte putschiste de Mauritanie est venue perturber une démocratie bien gardée dans un continent d'Etats de droit ? M. H. [email protected]