Deux banques utilisant ce mode de financement sont présentes en Algérie. Deux autres établissements, Abu Dhabi Islamic Bank et KFH ont déposé leur demande d'agrément. Les banques islamiques s'intéressent de plus en plus au marché algérien. Outre Al Baraka Algérie, présente depuis de nombreuses années, Al Salam Bank qui vient d'être agréée s'y installe pour un démarrage d'activité d'ici à la fin de l'année en cours. Quant aux dossiers de demande d'agrément des établissements Abu Dhabi Islamic Bank et KFH, ils sont à l'étude actuellement par les autorités monétaires algériennes pour une licence bancaire. L'Algérie est devenue ainsi une terre de prédilection au Maghreb pour ces banques aux fondements islamiques. Alger pourrait-elle devenir le Hub de la finance islamique dans les prochaines années ? Une telle question mérite d'être posée de par l'intérêt que portent ces établissements financiers à notre pays. Isla-Invest Consulting, un organisme privé spécialisé dans les finances et ses partenaires suggèrent une réflexion dans ce sens au cours d'un séminaire d'une journée. La rencontre qui s'adresse aux autorités algériennes, aux acteurs bancaires algériens et internationaux, aura lieu demain à Alger. Avec l'avènement de la crise qui a ébranlé le système financier mondial, les regards se sont orientés vers les fonds islamiques, voire la philosophie de la finance islamique. Il faut dire que le modèle des banques conventionnelles a montré ses limites. Et la crise financière mondiale en est la preuve concrète. Ce qui n'est pas le cas pour la finance islamique. L'on est curieux de savoir à ce titre quels sont les fondements de celle-ci ? De prime abord, l'un des objectifs principaux de la finance islamique est l'équité entre les parties avec un partage des pertes et des profits à travers le respect de la charia. En Islam, il existe des interdits et des obligations. Le principal interdit est le prêt à intérêt. Ce qui est un paradoxe en finance où tout est fondé justement sur la notion d'intérêt. À cela, il y a lieu d'ajouter l'interdiction de la spéculation et de l'incertitude ainsi que l'interdiction d'investir ou de financer des activités haram. La finance islamique, notons-le, ne s'éloigne pas de la finance classique en termes de marché. Elle s'adresse donc aux Etats souverains, aux entreprises, aux particuliers et bien entendu aux personnes souhaitant recourir au micro-crédit. “Maintenant, il est vrai que le choix de chacun est motivé par différentes raisons. On peut penser que les particuliers seront guidés par la foi dans le choix de ces produits dont le coût au départ est un peu plus onéreux, on va payer une surprime afin d'être en accord avec sa foi”, explique M. Zoubeir Ben Terdeyet, P-DG d'Isla-Invest. Les Etats et les entreprises le feront, en revanche, “par opportunisme, car l'excès de liquidité se trouve aujourd'hui dans les pays du Golfe qui sont devenus les banquiers du monde et dont beaucoup aujourd'hui ne jurent que par la finance islamique”, ajoute ce responsable. Avec l'avènement de la crise mondiale, les regards se tournent vers les fonds du Golfe Il est recensé aussi le cas des chefs d'entreprise qui souhaitent que la gestion de leurs entreprises soit en phase avec leurs convictions religieuses personnelles. La finance islamique a débuté en 1975. C'est un marché qui représente actuellement une valeur de plus de 800 milliards de dollars d'actifs gérés selon les principes de la charia. Il dépassera le montant de 1 000 milliards à l'horizon 2010 avec une croissance à 20% depuis la dernière décennie. Les principales richesses se trouvent au Moyen-Orient et en Malaisie aussi. Le Soudan reste le marché phare, avec 22 banques islamiques dans le nord du pays avec près de 10 milliards d'actifs conformes à la charia. La finance islamique s'intéresse, faut-il le souligner, à tous les segments d'activité liés au secteur bancaire, notamment aux fonds actions et immobiliers, private equity, financement de projets et l'équivalent des émissions obligataires avec les Sukuks. En Algérie, à part Al Baraka Banque qui active avec des parts de 1,8% du marché bancaire global et à 15% du marché bancaire privé, le banking islamique est encore à ses premiers balbutiements. Il est clair que la finance islamique n'est pas assez développée dans notre pays. Mais un tel système, fondé sur les principes de la charia islamique, peut jouer un rôle prépondérant pour la création de richesses et d'emplois et dans le développement économique et social du pays. Al Baraka qui commence à avoir une renommée nationale, diversifie progressivement ses produits bancaires. La banque compte réaliser un partenariat pour la micro-finance islamique avec l'institution spécialisée de Suisse Fides. Elle va donc investir le créneau du micro-crédit. Toutefois, la finance islamique ne peut devenir efficiente que dans une économie islamique. L'Afrique peut constituer un avantage certain aux banques islamiques. Le marché africain offre à la finance islamique des opportunités importantes. L'une d'elles a trait au financement de grands projets en termes d'infrastructures, d'industrialisation via l'émission de Sukuk(*) et la mise en place de banques islamiques afin d'augmenter le taux de bancarisation ou servir des clients qui ne souhaitaient pas avoir recours au crédit classique. Les banques du Moyen-Orient ont besoin de placer leur excédent de liquidité, l'Afrique est un marché intéressant car composé d'une forte population musulmane. Des contraintes peuvent cependant freiner cette démarche. Il s'agit, indique M. Zoubeir Ben Terdeyet, des législations qui se rapprochent du droit civil et commercial français. “On retrouve donc les mêmes problèmes au niveau fiscal tel que les doubles droits de mutation, la non-déductibilité et l'amortissement des intérêts”, précise-t-il. Les banques islamiques nécessitent, avoue cet expert, une légère adaptation au niveau des règles de refinancement et d'accès à l'épargne public. Badreddine KHRIS (*) Sukuk : Le Sukuk est un produit obligataire islamique. Il a une échéance fixée d'avance et est adossé à un actif permettant de rémunérer le placement en contournant le principe de l'intérêt. Sans surprise, les Sukuk sont structurés de telle sorte que leurs détenteurs courent un risque de crédit et reçoivent une part de profit et non un intérêt fixe et commun à l'avance.