L'Afrique du Sud connaîtra dans les jours qui viennent le nom d'un nouveau parti, issu de la dissidence de la formation au pouvoir depuis la chute de l'apartheid en 1994, qui bouleverse le paysage politique à quelques mois d'élections générales. Samedi, des milliers de dissidents s'étaient rassemblés à Johannesburg pour définir la base d'un programme. Le futur parti, dont les analystes prédisent qu'il pourrait devenir une force majeure défiant la mainmise du Congrès national africain (ANC), doit être créé le 16 décembre. “Nous ne sous-estimons pas la tâche qui nous incombe, avec les élections si proches”, a déclaré dimanche l'ex-Premier ministre de la riche province du Gauteng, Mbhazima Shilowa, qui a démissionné de l'ANC et de son poste pour soutenir l'initiative. Mais “nous voulons former le prochain gouvernement, dans les provinces comme au niveau national”, a-t-il lancé devant la presse. “Si l'ANC veut se battre, nous nous battrons.” Le nom du nouveau parti, a ajouté M. Shilowa, était toujours en cours de discussion dimanche et devrait être annoncé dans les jours à venir. L'ANC, qui tenait hier un grand rallye dans le township de Soweto (sud de Johannesburg) présidé par son chef Jacob Zuma, a prévenu qu'il contesterait toute désignation trop proche de la sienne. Les dissidents ont élevé au rang de leurs priorités l'élection du président de la République au suffrage universel direct et non plus par le Parlement. La scission a été provoquée par la décision du comité directeur de l'ANC, fin septembre, de révoquer le chef de l'Etat Thabo Mbeki. La plateforme adoptée samedi souligne que “tous les citoyens sont égaux devant la loi (...), quelles que soient les circonstances”, en allusion évidente aux déboires judiciaires de M. Zuma. Elle défend une “démocratie participative” reposant sur “la tolérance politique” et un “dialogue ouvert et transparent”. Emmenés par l'ancien ministre de la Défense, Mosiuoa Lekota, les dissidents dénoncent les conditions dans lesquelles la nouvelle direction de l'ANC a congédié M. Mbeki, estimant qu'elle relevait d'une guerre personnelle pour le pouvoir. Si la création d'une opposition crédible pour la majorité noire du pays ne menace pas immédiatement la dominance de l'ANC, qui détient plus des deux tiers des sièges au Parlement, elle augure une nouvelle ère pour la démocratie multiraciale, estiment les analystes. Le chercheur en sciences politiques Chris Landsberg prédit ainsi un paysage politique “dominé par deux grands partis, avec quelques formations minoritaires” qui glisseront au gré de leurs alliances. Répondant aux critiques de l'ANC, qui dénoncent déjà dans le nouveau parti une “formation pour les riches”, M. Shilowa affirme dans le journal dominical Sunday Independant qu'il vise un électorat de masse, “parmi les Noirs et les Blancs, les riches et les pauvres.” “Nous ne faisons pas cela pour devenir un autre parti d'opposition”, ajoute-t-il. R. I./Agences