L'homme disparaît, le mythe reste. Parfois, il prend forme à la hauteur des luttes, du combat continu et noble que celui d'une communauté qui a tant souffert de l'exclusion et du racisme. “La vraie compassion ne consiste pas à jeter une pièce à un mendiant. Elle permet de voir qu'un édifice qui produit des mendiants a besoin d'être restructuré. Comme tout le monde, j'aimerais vivre une longue vie. La longévité est importante. Mais je ne suis préoccupé par cela maintenant (…) Dieu m'a autorisé à monter au sommet de la montagne. J'ai vu la terre promise. Il se peut que je n'y aille pas avec vous. Mais je veux que vous sachiez ce soir que nous, en tant que peuple, nous atteindrons la terre promise.” Cet extrait du discours prononcé par Martin Luther King la veille de son assassinat, le 4 avril 1968, revêt un aspect prémonitoire. Car, 40 ans après sa liquidation physique, voilà venu un Obama élu par le peuple américain pour être investi en qualité de 44e président des Etats-Unis d'Amérique. Qui aurait cru un moment, un seul moment, que le discours d'août 1963 d'un King serait un jour traduit dans les faits et vécu comme une victoire historique ? De la formule “l have a dream”, de Martin Luther King, à celle de Barack Obama “j'ai fait un rêve”, le parallèle semble établi dans la symbolique politique américaine et trouve sa place, même si la stature des deux hommes est incomparable à plus d'un titre. Bien plus, la conjoncture politique mondiale et le concours de circonstances ont fait du candidat démocrate, lors de la campagne électorale, le seul palliatif à la démarche d'un Bush guerrier et intransigeant sur des questions de changement. Martin Luther King, au même titre qu'Abraham Lincoln, ou encore Rosa Parks et Malcolm X, constitue l'un des symboles les plus puissants de la lutte pour l'égalité raciale et les droits civiques des Afro-Américains. Un héritage exploré, mais surtout exploité jusqu'au bout de sa campagne par un Obama conforté par le front anti-Bush, mais surtout par la communauté afro-américaine qui a su, au fil du temps, s'imposer sur tous les fronts, à commencer par le cinéma, la musique, le sport et le… marketing politique ! Une communauté qui a gagné une grande bataille et qui a réussi à vendre sa couleur sur un marché qui lui a toujours été hostile. La comparaison Martin Luther King -Barack Obama apparaît, du coup, récurrente, au point que l'image du pasteur et prix Nobel de la paix le 14 octobre 1964 était perceptible lors d'une campagne qui aura tenu toutes ses promesses pour changer de couleur à la Maison-Blanche. Mais il ne faut pas se leurrer avant de voir Obama à l'œuvre. Hier, après la proclamation des résultats définitifs, Bernice King, la fille de Martin Luther King, était aux anges. “Je sais que mon père aurait été fier de l'Amérique pour cela (…) Cela veut dire que le travail pour lequel mon père et ma mère se sont sacrifiés n'a pas été vain (...) J'étais très émue ce soir et j'ai pleuré en entendant l'annonce”, a déclaré sur la chaîne de télévision américaine CNN la fille de l'apôtre des droits civiques. Martin Luther King serait “fier des nombreux jeunes qui se sont rendus aux urnes pour rendre cela possible. Et c'est un nouveau jour qui se lève sur l'Amérique”, a-t-elle poursuivi. Un avis partagé par le Premier ministre australien Kevin Rudd qui a estimé que l'élection d'Obama “a concrétisé le rêve de Martin Luther King. Il y a 45 ans, Martin Luther King avait fait le rêve d'une Amérique où hommes et femmes seraient jugés non pas sur la couleur de leur peau mais sur leur personnalité (…) Aujourd'hui, l'Amérique a concrétisé ce rêve”. Aujourd'hui, le rêve du révérend Martin Luther King semble raviver la flamme du combat pour un monde plus juste dans le cœur des Américains. F. B.