Le Conseil constitutionnel a mis l'empressement qui convient à l'opération de révision constitutionnelle. Mercredi prochain, la tâche sera bouclée avec le vote programmé du projet de loi par le Parlement. En une quinzaine de jours, le dernier acquis démocratique sera abattu. Avec le soutien sonore de tout ce que l'Algérie compte comme rentiers officiels. Et pour cause : beaucoup de révisions et de promesses de statuts ont précédé la révision de la Constitution. La gestion distributive et l'allocation politique de la rente tendent à transformer une grande partie des privilégiés institutionnels en véritable clergé du statu quo. La nature apolitique de leur engagement apparaît dans l'indigence des moyens de défense de l'amendement : la même argumentation est reprise de manière scolaire, et à l'envi, par tous. Mercredi dernier, la chaîne “une” de la radio officielle nous a donné l'occasion d'écouter une nouvelle fois cet argumentaire de prospectus : le caractère humain et donc évolutif du texte constitutionnel, l'absence d'atteinte aux équilibres des pouvoirs, la souveraineté du peuple… Dans ce “débat” radiophonique, un ancien membre du Conseil constitutionnel et un futur rapporteur de la commission parlementaire de révision constitutionnelle qui se répondaient, dans une parfaite complémentarité, étaient dispensés de tout avis opposé. Ce qui leur permettait de proclamer, sans être contredits, que la présidence à vie serait le dernier acquis démocratique du peuple ! Heureusement que le pouvoir ne mettra pas plus de deux semaines à accommoder la Constitution à son intention de durer et que bientôt l'acte de régression politique en cours ne sera plus qu'un fait accompli. Quand la quasi-totalité des députés et des sénateurs auront levé la main, et qu'ils auront ainsi assuré la prolongation du régime, ils auront le sentiment d'avoir conclu une opération dont ils seront les premiers bénéficiaires. L'autoritarisme a, pour les démocrates, le défaut de privilégier l'allégeance à la compétence ; la démocratie a, pour les carriéristes, l'inconvénient de les soumettre à la concurrence. À l'épreuve du “terrain” institutionnel, “l'opposition” s'est en grande partie, elle aussi, adaptée à la logique du système. On observe que des “opposants” votent régulièrement, et sans surprise, les textes les plus attentatoires aux libertés et à la démocratie. Ils voteront donc le prochain amendement à la démocratie. Même si l'on attend ni de promus du système de cooptation, ni d'islamistes, ni de trotskistes résiduels à ce qu'ils se battent pour le principe d'alternance au pouvoir. La révision constitutionnelle obéit au même deal qui organise le consensus pour la régression politique depuis une décennie : leurs privilèges contre nos libertés. Nos élus, par ailleurs politiquement affaiblis par une abstention record que le régime n'a pas cherché à dissimuler, savent qu'ils doivent si peu leurs sièges à leurs électeurs. D'échéance en échéance, l'électeur, réapparaît, pour les besoins de légitimité “démocratique” dont il est l'instrument nécessaire. Au demeurant, le peuple ne demande pas d'explication ; il se contente de zapper et de suivre les expériences démocratiques télévisées des pays tiers. M. H. [email protected]