Silicon Valley s'est créée dans des garages, soutient l'ancien commissaire français au Plan. L'Institut supérieur de la gestion et de la planification (ISGP) a abrité, hier, une conférence sur la problématique de la planification stratégique et de l'économie de marché. Organisée conjointement par l'ISGP et l'UAP-AMECO (programme de l'UE d'appui au management de l'économie), cette rencontre a été marquée par la participation de nombreux experts économiques et des consultants en la matière, qu'ils soient nationaux et étrangers. Et c'est Pierre-Yves Cossé, inspecteur général des finances honoraire, ancien commissaire au Plan en France, qui a présenté les termes du débat sur la planification stratégique et l'économie de marché en sa qualité d'expert en la matière. Devant un important auditoire et des invités de marque à l'image de Mohamed Laïchoubi, ancien ministre du Travail et enseignant universitaire, et M'hamed Raked, directeur général de l'ISGP, Yves Cossé notera d'entrée que la planification stratégique est un outil de développement et sa mise en œuvre est variable en fonction des pays. “Je ne peux pas me mettre à la place des autorités de votre pays pour évoquer la planification stratégique en Algérie car il s'agit d'une démarche politique, mais il y a des possibilités chez vous car déjà, il y a des réserves financières importantes qui proviennent des hydrocarbures qui peuvent aider à la réalisation des choses.” C'est du moins ce qu'expliquera M. Cossé avant de noter : “On dit parfois que la difficulté de nous lancer, c'est cette rente.” C'est-à-dire que tant qu'il y a cette rente pétrolière, les gens ont tendance à ne pas se mobiliser. Quoiqu'il en soit aux yeux de M. Cossé, il est impératif qu'il y ait un levier pour le changement. “Le Vietnam est entré à l'OMC car la Chine y est entrée ; il était donc dans l'obligation de le faire. Quel est le levier pour provoquer le changement en Algérie ? Par où il faut commencer ? C'est un choix typiquement algérien”, dira l'intervenant. À ce sujet, M. Cossé dira qu'il faut qu'il y ait des sucess stories sur lesquelles on peut s'appuyer. Quoiqu'il en soit, aux yeux de l'orateur, “les pays sérieux ont une vision et des éléments qui structurent leur choix”. “Il faut avoir une ambition très considérable pour le pays, mais également de la modestie car on ne peut pas tout faire”, explique-t-il sur sa lancée. L'Etat dans cette optique est seulement un catalyseur. “Il ne peut pas tout faire, il fait faire les choses”, dit-il. Dans ce cadre, l'intervenant expliquera qu'il ne faut pas focaliser son attention sur les grandes entreprises et les grands projets : “Il y a de petites entreprises d'une dizaine de personnes qui arrivent à s'imposer sur le marché et qui créent une forte valeur ajoutée.” Et de noter qu'il “ne faut pas avoir du mépris pour l'informel en Algérie”. Pour mieux convaincre, l'orateur donnera l'exemple de la Silicon Valley qui “s'est créée dans des garages”. “Ne sous-estimez pas vos garages”, recommande-t-il avant de noter qu'“on sous-estime la capacité de création et d'invention des Algériens”. Cette donnée est à intégrer dans la planification stratégique comme valeur, expliquera-t-il. L'autre valeur à intégrer dans cette perspective, “c'est la mise en commun des acteurs. Il faut que les gens parviennent à ne pas exclure la coopération dans leurs perspectives”, dit-il. “La coopération peut donner des possibilités et des richesses”, note-t-il encore avant de préciser que “le développement ne peut se faire sans réseau”. Lors des débats qui ont succédé la communication de M. Cossé, des intervenants ont posé de nombreuses questions pertinentes. À l'image de l'impératif d'inclure dans la démarche de planification stratégique la mise en cohérence entre l'espace économique et social. “Il faut réduire les fractures et mettre en cohérence la sphère économique et sociale pour changer les comportements des gens”, dira M. Laïchoubi, tout en donnant l'exemple du tourisme qui “permet aux Algériens d'être mis en contact avec les normes internationales”. NADIA MELLAL B.