Abdelaziz Belkhadem sort le grand jeu pour contrer son frère ennemi du RND, Ahmed Ouyahia. Sentant le vent tourner en faveur de ce dernier, depuis son rappel pour diriger l'Exécutif, le patron du FLN change son fusil d'épaule et cible plus haut que la tête de l'Exécutif. Il a attendu le jour de l'adoption de la révision constitutionnelle pour abattre ses cartes : “Je refuse le poste de vice-premier ministre. Je n'ai jamais revendiqué la création de poste de vice-Président.” Cette affirmation aurait pu surprendre venant de la part d'un docile souteneur de l'action présidentielle. Mais le vieux routier de la politique avait déjà préparé son coup en désignant, la veille, lors d'une conférence scientifique sur la révision constitutionnelle, le Conseil de la nation comme cible prioritaire à atteindre. Abdelaziz Belkhadem, qui continue à revendiquer une révision en profondeur de la Constitution, voudrait revoir le mode de fonctionnement de la Chambre haute du Parlement qui est dépourvue, actuellement, de tout pouvoir d'amendement ou de proposition de projets de loi. L'on comprend aisément pourquoi l'homme refuse l'idée d'un poste de vice-président, sachant que l'actuelle Constitution fait du président du Sénat le deuxième homme de l'Etat et le successeur désigné du chef de l'Etat en cas de décès ou d'empêchement de ce dernier. Belkhadem songe-t-il à détrôner Abdelkader Bensalah (RND) au nom de la majorité parlementaire du FLN, ou au regard de ses loyaux services rendus au président Bouteflika ? Il est permis de se poser la question, d'autant plus que la campagne électorale pour l'élection présidentielle d'avril prochain pourrait valoir de test aux partisans de Bouteflika pour mesurer leur degré d'engagement dans la bataille de sa reconduction. L'enjeu du Sénat est de taille, sachant que la Chambre haute a été instaurée par la Constitution de 1996 pour contrer une probable majorité à la Chambre basse qui serait détenue par les islamistes. Toutefois, la création du Conseil de la nation n'a pas été d'une grande utilité pour l'enracinement de la démocratie. Les sénateurs sont élus, pour les trois quarts d'entre eux, parmi les élus locaux, par leurs pairs. Une situation décriée par Abdelaziz Belkhadem qui estime que ces derniers ont été élus pour des mandats locaux et non nationaux. Les sénateurs ne peuvent, en aucun cas, amender un projet de loi qui leur est soumis. Ils ne peuvent, non plus, proposer de projets de loi. D'où la revendication du patron du FLN pour une révision en profondeur de la Constitution qui prendrait en compte, notamment le fonctionnement et les attributions du Sénat. Le président Bouteflika avait également critiqué le fonctionnement du Sénat, laissant planer le doute sur sa future dissolution. Ce vendredi, ce fut au tour de Abdelaziz Ziari (FLN), le président de l'APN, de remettre la question au goût du jour en remettant en cause l'utilité de la Chambre haute. Belkhadem, qui ne parle presque jamais sans être sûr d'avoir l'aval du chef de l'Etat, semble présentement préparer le terrain à ce que devrait être la future profonde révision constitutionnelle et couper, ainsi, l'herbe sous le pied de Ahmed Ouyahia, dont la reconduction à la tête de l'Exécutif serait conçue beaucoup plus comme une sanction que comme une récompense. Mais, en s'engageant dans une bataille d'une telle ampleur, Abdelaziz Belkhadem, déjà mis à mal au sein de sa propre formation politique, prend un gros risque qui pourrait, en cas d'échec, lui valoir sa carrière politique. Azzeddine Bensouiah