La Grande-Bretagne lui a ouvert les voies de l'Occident, la France est séduite et la crise risque de faire son miel : avec des avoirs qui flirtent avec les 700 milliards de dollars dans le monde, la finance islamique conduit certains pays d'Europe à envisager leur système fiscal pour lui réserver une place. Paris accueille le mercredi 26 novembre un forum international de la finance islamique. Il est organisé par la Chambre de commerce franco-arabe qui le présente comme “le plus important carrefour 2008 d'échanges entre professionnels des industries financières françaises et islamiques”. Sous le titre “Le développement de la finance islamique sur fond de crise financière mondiale”, le forum s'articulera autour de quatre ateliers animés par des spécialistes venus des quatres coins de la planète. En France, un rapport de la commission des finances du Sénat publié le mois dernier s'inquiétait “d'une certaine inertie nationale” dans le domaine. Née dans les années 1970, la finance islamique, qui a pour objet de développer des services bancaires et des produits financiers compatibles avec les prescriptions de la loi coranique, s'impose de plus en plus comme une concurrente de la finance dite “conventionnelle”. La commission pointait “la situation paradoxale de la France vis-à-vis de la finance islamique : l'existence d'une certaine inertie nationale alors même que le développement de la finance islamique ne se heurterait à aucun obstacle” majeur. Elle constatait que les banques BNP Paribas, la Société Générale ou le Crédit Agricole ont ouvert des filiales spécialisées au Moyen-Orient afin de profiter de cette manne alors que leur activité en France est “plus que balbutiante”. En fait, dès le mois de juillet, le gouvernement français a affiché sa détermination à favoriser l'essor de cette finance en lui offrant un cadre juridique et fiscal plus accueillant, espérant que Paris saura drainer une partie des liquidités du Golfe qui se déversent aujourd'hui sur Londres. S'adressant à des investisseurs venus du Golfe, la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, avait promis de faire le nécessaire “pour rendre (leurs) activités aussi bienvenues ici à Paris qu'elles le sont à Londres et sur d'autres places”. En matière de banque de détail, en revanche, la France a beau compter la communauté musulmane la plus large d'Europe de l'Ouest, aucune banque ne dispose encore d'une offre “halal”. En Grande-Bretagne a été créée en 2004 la première banque “halal” d'Europe, l'Islamic Bank of Britain, tandis qu'une vingtaine d'établissements conventionnels proposent une offre de ce type. Le profil de la population musulmane française est toutefois différent. “Elle semble privilégier la transparence de la banque conventionnelle”, relève Mohamed Damak de SP, qui juge “réducteur de penser que, parce qu'il y a deux fois plus de musulmans en France qu'en Grande-Bretagne, la demande va être énorme”. Preuve de l'intérêt français, une école de management, celle de Strasbourg en l'occurrence, proposera à partir de janvier des cours de finances conformes aux préceptes du Coran dans le but de former notamment de futurs gestionnaires de fonds musulmans. “La finance islamique est une autre façon d'investir, une autre façon d'acquérir un bien. On préfère éviter les transactions incertaines”, résume Ibrahim Zeyyad Cekici, membre de l'équipe pédagogique et professeur-chercheur en droit à l'EMS. S'il existe déjà un diplôme similaire en Grande-Bretagne, pays où s'est développée la première industrie de la finance islamique en Europe, et de nombreuses formations en ligne, cet enseignement est en France encore inédit. Le diplôme universitaire propose 405 heures d'enseignement en formation continue. Homologué bac+5, il est ouvert aux titulaires d'un master, d'un bac+4 et aux personnes possédant une expérience professionnelle significative. Au programme : introduction à l'islam, à l'économie et au droit musulman puis un noyau dur où seront abordés le régime juridique des contrats de droit musulman, le droit bancaire et le droit des marchés financiers avec les titres islamiques, tels que le “salam”, “l'ijara” et le “sukuk”. L'intérêt suscité par ce diplôme adossé à un programme national de recherche dépasse cependant de loin le seul espace français, car les candidatures viennent d'Angleterre, du Maghreb, d'Inde et du Pakistan. À l'issue de leur année, les étudiants peuvent espérer accéder à des postes à responsabilité, notamment dans le secteur bancaire, des assurances ou de la finance. A. OUALI