Dans une récente analyse publiée par la mission économique d'une ambassade européenne à Alger relative à la crise financière et son impact sur l'économie algérienne, il est rapporté, déconnectée de la crise financière, l'Algérie risque d'être affectée par le ralentissement économique mondial au travers de la baisse du prix du baril de pétrole. Les réserves accumulées et des mesures de contrôle des dépenses et des importations devraient lui permettre de tenir le choc, à condition que celui-ci soit temporaire. La question de la nécessaire diversification de l'économie reste posée. La définition précise d'une stratégie industrielle et des actions à mettre en place à moyen terme sont toujours attendues. Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, le ministre des Finances, Karim Djoudi, et le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, ont fait part de leur analyse et l'impact possible de la crise financière internationale sur l'Algérie. Le président de la République et le Premier ministre ont également livré leurs commentaires. Le consensus est que l'Algérie ne sera pas affectée par la crise financière proprement dite, mais pourrait être plus sensible au ralentissement économique mondial du fait de la baisse de la demande d'énergie qui en découle. Dans la crise, la variable clé pour l'Algérie est le prix du baril de pétrole, les hydrocarbures constituant la principale source de revenus du pays. Or, le prix a chuté de moitié par rapport au plus haut enregistré en juillet dernier et son évolution future est si incertaine… Le sous-développement du système financier a isolé l'Algérie de la crise financière La faible sensibilité à la crise financière résulte de la déconnexion quasi-totale de l'Algérie des circuits financiers internationaux. Le Premier ministre l'a reconnu lui-même : "Notre retard nous a protégés". a)- Le dinar est resté une monnaie inconvertible pour les opérations avec l'étranger autres que commerciales, maintenant ainsi une cloison étanche avec la finance internationale. Le passage à une convertibilité totale du dinar est moins que jamais à l'ordre du jour, a déclaré récemment le ministre des Finances. Ni les particuliers, ni les entreprises, ni les banques soumises à un contrôle des changes très strict, n'ont accès aux marchés financiers internationaux pour placer des actifs ou se refinancer. Elles n'ont donc pu mettre dans leur portefeuille des titres contaminés par les mauvais crédits américains, du simple fait que leur activité est strictement limitée au territoire algérien. b)- La Banque Centrale a observé la plus grande orthodoxie dans le placement des réserves de change. " L'aventure "du fonds souverain a été rejetée. Seule la Banque Centrale place ses réserves (en devises) en dehors du pays. Or, elle a observé depuis le début de la montée exponentielle des réserves (136 milliards fin juillet 2008 contre moins de 5 en 1999) une politique de grande prudence privilégiant sécurité et liquidité sur le rendement et cherchant progressivement un meilleur équilibre entre le dollar et l'euro. La Banque d'Algérie n'a placé ses réserves que sur des titres émis par des Etats qui offrent toutes garanties et a réduit fortement, depuis la crise, ses placements dans les banques (même de premier plan), au profit de placements auprès d'autres banques centrales. Les autorités se félicitent enfin de ne pas avoir suivi les conseils qui les incitent à mettre en place un fonds souverain. Les propos du Président sur " l'aventure " qu'aurait représenté une telle initiative prennent tout leur relief à la lumière de l'effondrement actuel des marchés boursiers. c)- L'Algérie a éliminé sa dette externe et n'a pas de besoin externe. L'Algérie est en position de créancière nette vis-à-vis du reste du monde à hauteur de plus de 200 milliards de dollars : 136 milliards de réserves de change et 76 dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). La dette externe publique a été quasiment intégralement remboursée (623 millions de dollars à fin juin) et est appelée à disparaître. Les autorités ont pris pour orientation stratégique de ne plus emprunter de l'extérieur : les grands projets sont financés en monnaie locale (budget et banques) et les bailleurs multilatéraux n'ont plus qu'un rôle d'assistance technique (la Banque Mondiale a supprimé son poste de représentant local). Il n' y a pas de programme FMI en cours ni envisagé. Le pays dispose donc d'une indépendance financière certaine et ne peut pas être affecté par la restriction du crédit international puisqu'il n'en a pas besoin et ne souhaite, en aucun cas, y faire appel. d) L'Algérie n'a pas de marché financier local et n'enregistre aucune entrée de capitaux financiers, elle n'a pas à craindre leur retrait. L'Algérie ne dispose pas vraiment d'un marché financier digne de ce nom. Le marché " actions " de la Bourse algérienne se limite à deux actions d'entreprises publiques cotées et des transactions épisodiques et de montant très faible. Le marché obligataire est plus dynamique avec des émissions totales ayant dépassé les deux milliards de dollars, mais les émetteurs sont quelques grandes sociétés publiques et le premier groupe privé et les souscripteurs sont uniquement algériens (banques et épargnants). Les capitaux externes ne rentrent en Algérie qu'en cas d'investissement : il n' y a aucun placement financier en Algérie de capitaux étrangers, donc aucun risque de retrait intempestif susceptible de peser sur la balance des paiements. L'Algérie reste cependant très dépendante des hydrocarbures Le seul vecteur de transmission de la crise est indirect : c'est celui des prix des hydrocarbures, tirés vers le bas par la contraction de la demande et par l'enracinement de la spéculation. Le prix du baril a une influence immédiate sur les recettes extérieures de l'Algérie. Celles-ci seront un peu moins abondantes que prévu, mais ne devraient pas être loin de 80 milliards de dollars en 2008. Au-delà, c'est l'inconnu et le Président l'a dit lors d'un discours récent à Tlemcen : "La baisse du prix du pétrole peut se transformer en catastrophe". Les hydrocarbures (pétrole et gaz) constituent, en effet, 98 % des exportations algériennes et la fiscalité pétrolière contribue à hauteur de 75 % aux recettes budgétaires. Toute variation du prix du baril de pétrole se traduit par une variation dans le même sens du niveau des exportations et du niveau des recettes budgétaires. La forte augmentation des prix des années passées s'est traduite pour l'Algérie par une aisance financière sans précédent. La croissance en valeur des exportations a dégagé des ressources permettant à la fois de supporter un fort développement des importations, de financer une forte augmentation des dépenses publiques tant sur les plans de fonctionnement que d'investissement (plan de soutien à la croissance et à l'emploi-PSCE- de 200 milliards de dollars sur cinq ans), tout en accumulant les réserves de change et les avoirs dans le fonds de régularisation des recettes qui reçoit les excédents de la fiscalité pétrolière…