" Quel avenir pour la finance islamique en France ? " tel est le thème d'un séminaire qui se tiendra à Paris le 23 juillet prochain. Le poids de la finance islamique dans le monde est estimé de nos jours entre 800 et 1 000 milliards d'euros par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La Grande-Bretagne a pris une longueur d'avance dans le domaine la France compte quelque 5 millions de musulmans, soit la population musulmane la plus importante parmi les pays d'Europe. Mais la France ne profite pas de cette manne financière comme ses voisins allemand, anglais ou suisse à cause de l'absence d'institution bancaire offrant des produits financiers islamiques. L'une des rares initiatives qui a vu le jour avec l'adoption le 17 septembre 2009, par l'Assemblée nationale, d'un texte visant à permettre l'implantation de la finance islamique (compatible avec la Charia) en France, a été bloquée par le Conseil constitutionnel. Or, d'après le rapport Jouini-Pastré, établi par Elyès Jouini, économiste et universitaire tunisien et Olivier Pastré économiste français et professeur à l'Université de Paris VIII, la France aurait tout à gagner avec la finance islamique. Selon leur étude, l'Hexagone pourrait collecter jusqu'à 120 milliards d'euros dans les dix prochaines années si elle s'ouvrait à la finance islamique. Notons par ailleurs que le directeur général du premier groupe bancaire islamique "Al Baraka ", Adnan Youssef, a déclaré dernièrement qu'il entendait développer son groupe sur le marché français, même si ce projet est suspendu aux changements attendus de la régulation française en matière de finance islamique. Le groupe attend avec impatience l'achèvement, par les autorités françaises, des ajustements du cadre légal et fiscal applicables aux produits bancaires islamiques. Il faut noter que la finance islamique, qui a bien résisté à la crise financière mondiale, devrait maintenir sa croissance soutenue en 2010, a prévu l'agence de notation Standard and Poor's (S&P. La finance islamique brasse des flux de 840 milliards de dollars avec une croissance annuelle d'environ 15 %. Selon Anass Patel, président de l'Aidimm, le marché de la finance islamique mondiale pourrait atteindre les 1 000 milliards de dollars dès 2010 et beaucoup plus par la suite d'après les spécialistes. Plus de la moitié de ce marché est détenue par les banques commerciales. Le reste du marché est composé des boutiques de banques d'affaires pures comme les fonds de capital-investissement ou immobiliers, des fenêtres islamiques des banques conventionnelles internationales et des produits islamiques tels que le takaful (assurance), des sukuk (titres d'investissement). Par ailleurs, les pays qui ont des parts de marché de finance islamique importantes sont pour la plupart des pays dont le système bancaire islamique est très développé, démontrant s'il en était besoin, que c'est le marché de détail qui permet à la banque islamique de mieux établir sa présence. Il faut dire que la finance islamique promeut l'investissement dans des actifs tangibles : les investissements doivent être adossés à des actifs réels. Au-delà de ce premier critère discriminant, les financiers musulmans ne dérogent pas à une règle d'or : le banquier n'est pas prêteur mais co-investisseur et donc partenaire du projet financé. Ses revenus correspondront à une quote-part des résultats issus du projet financé. L'exigence d'un audit approfondi des potentiels projets à financer ainsi que l'accompagnement des entrepreneurs pendant les phases de recherche, de lancement et de vie de projet permettent d'éviter une dilapidation de capitaux reçus et une gestion qui s'est, jusqu'alors, révélée salutaire. Le très célèbre principe des 3P (Partage des Pertes et Profits) conduit de manière systématique, le banquier (investisseur) à une vigilance accrue quant à la pertinence du projet financé. La différence de comportement entre l'investisseur " islamique " et l'investisseur " classique " en matière de bourse pourrait être explicitée en deux points. Le premier est investisseur à moyen et long termes, l'autre est, le plus souvent, spéculateur de court terme, profitant des écarts de cours sur un titre. D'ailleurs certains savants musulmans ont pu émettre l'idée de cycle d'investissement concernant l'achat d'actions. La durée de détention d'un titre de société intervenant dans le domaine agricole pourra par exemple correspondre au temps nécessaire pour semer, récolter et commercialiser. La décision de vente du titre sera alors justifiée par une véritable stratégie d'investissement mesurée par le retour sur investissement post-cycle de récolte. Dans leur ensemble, les principes majeurs de la finance islamique, sans se targuer d'être des antidotes absolus pour l'ensemble des maux, constituent un corpus de normes dont la vocation profondément éthique permet de fixer de solides garde-fous aux acteurs de la sphère financière. L'un des défis majeurs de la finance islamique, ou du moins de celui de ses partisans, sera celui de résoudre un paradoxe qui semble être un véritable casse-tête pour les hommes modernes que nous sommes : allier croissance vertigineuse à exemplarité morale. Les analystes de S&P relèvent par ailleurs, que le développement de la finance islamique devrait notamment être soutenu par des avancées dans les pays non musulmans, en particulier l'Europe de l'ouest. Ils citent la France, l'Italie et Malte. Toutefois, ils soulignent que des interrogations demeurent quant à la véritable capacité d'implantation de la finance islamique dans cette zone. L'agence cite, à ce propos, les obstacles réglementaires, notamment en matière fiscale et les incertitudes concernant la demande pour les produits conformes aux principes de la Charia. "La visibilité manque quant à l'intérêt des musulmans pour l'offre de banque islamique et la capacité de ces produits à attirer des non musulmans", note S&P dans l'étude.