Heureux lauréat du prix du meilleur roman arabophone du Sila 2008 pour Crématorium. Sonate pour les fantômes de Jérusalem, paru en coédition chez Baghdadi éditions et la maison libanaise Dar El Adab, Waciny Laredj incarne l'une des figures les plus prolifiques de la littérature algérienne d'aujourd'hui. Crématorium est un roman de 464 pages qui s'articule comme une partition musicale ou sonate. Waciny Laredj a mêlé les airs pour réussir une belle harmonie roman : une musique qui sonne, un écho qui se répète et une mémoire qui résonne. Crématorium traite de la Palestine à travers l'histoire de May, une célèbre artiste peintre qui vit à New York depuis qu'elle a fui sa terre en 1948. May, la Palestinienne, devient une grande personnalité mondaine de la scène artistique américaine, mais tombe un jour gravement malade. Comme son mal est incurable et qu'elle n'obtient pas l'accord d'être enterrée dans la terre de ses ancêtres, elle demande à son fils, Youba, de l'incinérer et de répandre ses cendres à Jérusalem. Crématorium traite de mémoire et de souvenir par le biais des réminiscences de May et de Youba. Waciny Laredj défend l'idée, à travers tout son roman, qu'il est impossible de retrouver une chose, une personne ou un lieu, comme on l'a quitté, comme au premier jour. La personne qui part évolue, les personnes qu'elle laisse aussi et les choses changent. Dans la vie, il y a toujours des mutations. Et le temps, qui a une forte emprise sur l'homme, passe inévitablement, sans que celui-ci puisse le contrôler, le canaliser ou même l'apprivoiser. En fait, la réflexion de Waciny Laredj est très proustienne (qu'il cite d'ailleurs une fois dans son roman), mais au lieu de chercher à capturer le temps, Waciny se contente dans Crématorium, avec un narrateur externe à la fiction, d'observer ses personnages qui subissent l'action et les frasques du temps, le laissant ainsi s'échapper. S'appuyant sur le procédé de la répétition comme figure de style, Waciny Laredj revient sur la victime de l'holocauste qui est devenue à son tour bourreau. Il développe à ce propos une réflexion très intéressante sur la violence. Pour lui, “la violence engendre la violence”, et lorsqu'on a baigné dans le sang, l'optimisme, la paix et les papillons de l'espoir désertent la vie. Sous un autre angle, Crématorium évoque aussi la question de l'origine et cette espèce de nostalgie envers la terre natale qui saisit les êtres avant leur fin. En fait, Waciny Laredj en écrivant ce livre de paix fait “une élégie pour la Palestine” et traite d'autant de thèmes qui obsèdent, torturent, tourmentent et inspirent l'humanité, que ceux de l'identité, de la mémoire et de l'exil. Des thèmes essentiels qui continuent de traverser l'actualité et de hanter les populations de cette région du monde. Cela rend d'autant plus désolant le fait que ce roman, sorti chez Baghdadi, souffre d'une qualité si médiocre : caractères trop petits et papier de qualité inférieure nuisent largement au confort de lecture. Sara Kharfi (Crématorium de Waciny Laredj, roman, 464 pages, éditions Baghdadi, 400 DA)