Dans l'océan Indien, l'arraisonnement de navires est devenu une véritable industrie. Cette situation est conséquente de la descente aux enfers de la Somalie où les groupes islamistes radicaux expérimentent la piraterie. La route commerciale la plus embouteillée est menacée de fermeture face aux exploits de quelques pirates somaliens, jeunes, secs et en pagne, armés de kalachnikovs et de lance-roquettes. Avec leurs barcasses dopées de milliers de chevaux vapeurs, ils règnent en maître sur une mer où se bousculent pourtant les pavillons des marines militaires les plus puissantes dans le monde ! Un tir de roquette pour montrer son sérieux, un ou deux grappins d'acier qui accrochent la passerelle, une échelle et le tour est joué. Même les géants de la mer n'y échappent pas. Une forteresse en armes ukrainienne est même tombée aux mains de gaillards mâchant du khat. Une fois les navires acheminés vers les côtes de cette Somalie de non-droit, le fret est évalué et commence alors la Bourse aux rançons. Le tout à la barbe de navires de guerre américains et européens de Operation Enduring Freedom, chargés de lutter contre le “terrorisme d'Al-Qaïda”, qui rôdent non-stop sur ce golfe d'Aden par où transitent 30 000 navires par an et un tiers du pétrole mondial. C'est la voie la plus dangereuse du monde, un cauchemar pour les armateurs, les assurances et la sécurité. Ce qui est incompréhensible est que face à ces pirates d'un autre siècle, des armadas de navires de guerre équipés de radars derniers cris, comme le SSAS (Ship Security Alert System), assistés par des détecteurs satellitaires capables, dit-on, de déceler du ciel une aiguille ! Sans compter les milliers de militaires hautement qualifiés. Théoriquement, une section formée à l'assaut peut réduire n'importe quelle bande de pirates. Les spécialistes occidentaux se défaussent en invoquant 4 millions de kilomètres carrés à surveiller et plus de 3 000 kilomètres de côtes. Depuis le début de l'année, près de 80 navires ont été attaqués au large de la Somalie. Une douzaine d'entre eux, avec leurs membres d'équipage, sont amarrés au port somalien d'Eyl, dangereux et inaccessible. Aujourd'hui, la piraterie dans ce pays de non-droit est une industrie. Avec, s'il vous plaît, renseignements économiques sur les navires qui empruntent la voie maritime pour déboucher sur le Canal de Suez et rejoindre la Méditerranée et l'Atlantique. Au commencement de cette activité, la révolte des pêcheurs somaliens en 1990 qui n'en pouvaient plus de voir sous leurs yeux les chaluts coréens et japonais racler la mer jusqu'au sable. Une poignée d'entre eux grimpent sur ces chalutiers sans permis et les mettent à l'amende. Les raids se répètent et prennent l'allure d'une industrie. Aujourd'hui, 4 ou 5 organisations emploient une armée estimée à 1 100 pirates, anciens pêcheurs, miliciens et des hommes qui maîtrisent le GPS et l'art des faux appels de détresse qui attirent leurs proies. Sur tous les quais de la région, du Yémen aux Emirats arabes, les Somaliens de la diaspora suivent le départ des bateaux et renseignent leurs frères au pays. Aujourd'hui les islamistes se mettent aussi de la partie. Si en 2006, les Tribunaux islamiques de Mogadiscio avaient pendu des pirates, les choses ont changé. On parle d'implication des Chabab, des islamistes partisans d'Al-Qaïda. Dans sa villa de Nairobi, au Kenya, le Premier ministre somalien du gouvernement de transition, est catégorique : “Les Chabab, un millier d'intégristes reliés à Al-Qaïda, constituent l'organisation la plus puissante aujourd'hui en Somalie, ils emploient une dizaine de milliers de miliciens et commanditent des prises d'otages qui rapportent des millions de dollars.” Pour lui, la piraterie est une joint-venture politico-religieuse, une mafia reliée au terrorisme islamiste. La piraterie serait alors aux islamistes somaliens ce que l'opium est aux talibans d'Afghanistan. D. B.