Drôle de cohabitation aux Etats-Unis : un nouveau président qui s'est mis dans la peau de l'homme le plus puissant du monde et son prédécesseur qui essaie de gouverner jusqu'au 20 janvier 2009. Une autre première dans le pays de l'oncle Sam. Alors qu'il ne doit occuper le bureau ovale que le 20 janvier 2009, le nouveau locataire de la Maison-Blanche gouverne d'ores et déjà, réduisant la présence de son prédécesseur à de la sinécure. Obama par-ci, Obama par-là : il n'y a que pour le démocrate atypique. Un Noir, un intello et, cerise sur le gâteau, un quadragénaire taille mannequin. Premier président de couleur aux Etats-Unis, Obama déroge à la règle selon laquelle l'interrègne n'est consacré qu'à la mise en place de l'équipe qui va reprendre le flambeau du pouvoir à Washington. Bien qu'il n'ait pas le pouvoir réel (tant qu'il n'est pas investi solennellement), Obama a contraint Bush (qui est toujours le numéro un) à l'effacement. Du moins, l'ultrarépublicain n'est plus totalement considéré comme tel. Il faut dire que le président sortant est consentant, un peu comme s'il voulait se rattraper après huit années de pouvoir exécrable avec un second mandat honni. Que la transition soit aussi douce que possible, telle est la priorité de la fin de mon mandat, devait annoncer George Bush aux fonctionnaires, experts et consultants de la Maison-Blanche juste après la victoire d'Obama. L'administration sortante déploie, par ailleurs, des efforts sans précédent pour que l'interrègne se passe sans accrocs. Bush a même mis en place un conseil de coordination de la transition facilitant les passations de consignes aux conseillers d'Obama. Ce dernier a souhaité être associé au plan de sauvetage de l'économie américaine, Bush a aménagé de la place à ses experts dans les locaux du Trésor. Obama s'est même permis d'exiger la révision du plan concocté par Bush pour lui faire prendre la marque de son propre projet politique. Grincement de dents mais Bush sait qu'il a en face de lui un Congrès et un Sénat à majorité démocrate. Obama n'a pas traîné. Le lendemain de son élection, il a commencé à recevoir les mêmes briefings de la CIA que Bush, puis a fait le tour de la Maison-Blanche, pour nommer son équipe de transition dirigée par John Podesta et un chief of staff, Rahm Emanuel. Anciens de l'administration Clinton, tous deux connaissent très bien les rouages de Washington. Et ils se sont attaqués immédiatement au recrutement des 4 000 personnes qui occuperont les postes politiques de la nouvelle administration, dont un millier doit être confirmé par le Sénat. Le temps presse pour le nouveau président qui profite du fait que la passation de pouvoir intervient à un moment critique : deux guerres inachevées (Irak-Afghanistan), une récession qui pointe du nez avec la crise financière et un déficit fédéral abyssal. Obama est remonté dans l'histoire pour élaborer son plan de sortie de la crise, se ressourçant dans l'épisode Roosevelt, un président élu en 1933 au pire moment de la "Grande Dépression" qui a introduit dans le pays du libéralisme à tous vents, l'Etat régalien et constructeur. Obama, dont l'état-major économique est quasiment sur pied, devrait annoncer lundi, lors de sa conférence de presse, les noms de sa future équipe de sécurité nationale, avec pour noyau dur Hillary Clinton au département d'Etat et Robert Gates à la Défense, selon de multiples fuites. Ce serait la première fois qu'un secrétaire à la Défense serait gardé dans une administration d'un autre bord que la sienne. Le maintien de cet ancien directeur de la CIA membre de l'administration Bush ne contredit-il pas la promesse de changement faite par Obama qui assurait tourner la page de Bush ? Le futur président avait toutefois assuré qu'il piocherait dans les deux camps pour composer son administration en vue de tenter de dépasser les clivages partisans entre démocrates et républicains. D. Bouatta