La troisième session ordinaire de l'UA s'ouvre aujourd'hui à Addis-Abeba. En appel, l'Afrique éprouve les pires difficultés à sortir des tourmentes dans lesquelles le continent est plongé depuis plus de quatre décennies. Le temps ne semble avoir ni assagi les dirigeants africains ni apporté les enseignements à même de dépasser les contingences qui brident le développement du continent africain, l'un des plus pauvres du monde, dont plusieurs régions sont aujourd'hui menacées (voire plongées) par la famine (voir par ailleurs l'appel du secrétaire général de l'ONU à l'occasion de la journée consacrée à la famine en Afrique). L'Union africaine, qui veut repartir sur de bonnes bases, après l'échec cuisant de sa devancière l'OUA (Organisation de l'Unité africaine), est en fait confrontée aux mêmes difficultés qui ont paralysé l'action de l'ancienne organisation panafricaine. De fait, en 1963 l'OUA, qui venait d'être créée à Addis-Abeba en grande pompe, s'est heurtée dès son baptême au problème du Congo-Kinshasa (aujourd'hui RD du Congo), problème qui persiste et reste entier en 2004 et sur lequel aura notamment à se pencher l'Union africaine. Cela pour dire que depuis les indépendances en 1960 et jusqu'à aujourd'hui les pays africains, mal partis, n'arrivent pas à se dégager de conflits qui ont ruiné le continent, détruit son agriculture, fait fuir son élite alors que ses matières premières sont pillées par les compagnies internationales. A juste raison, le commissaire africain de l'UA, Alpha Oumar Konaré, soulignait dans son intervention, lors de la journée consacrée à la famine en Afrique, que «tant que durent les guerres, les conflits, avec leur cortège macabre de viols, de pillages, de réfugiés, l'Afrique ne pourra pas faire face aux défis de la production» et le même d'enchaîner «l'insécurité empêche la production, et le manque de production entretient l'insécurité». Le cercle vicieux qui a mis l'Afrique durablement en marge du développement mondial. Et Alpha Oumar Konaré d'asséner «l'Afrique porte la responsabilité première de ses échecs, de ses mauvais calculs, de la mal-gouvernance qui conduit aux guerres, mais l'Afrique est souvent insuffisamment aidée, très souvent mal conseillée, victime de concurrence déloyale et le plus souvent forcée de négocier avec le couteau sur la gorge». C'est une tare ancienne qui fait que les Africains n'ont toujours pas appris à gouverner par et pour leurs peuples, quand des dirigeants ont mis en coupe réglée leurs pays respectifs. C'est une plaie qui est longue à cicatriser et garde des traces indélébiles avec les récurrences des conflits au Congo démocratique, au Burundi, en Côte d'Ivoire, au Soudan, les génocides d'hier au Rwanda, les tueries en Angola, les guerres fratricides en Ethiopie et en Erythrée qui sont autant de témoignages de ce mauvais départ d'un continent livré à un perpétuel règlement de comptes qui ne laisse pas le temps à penser et de construire le développement. En effet, il serait vain d'espérer reconstruire les repères dont l'Afrique a besoin si les conflits perdurent, si la mauvaise gouvernance demeure - c'est en fait l'acquis le mieux partagé des responsables africains - quand le peuple est toujours exclu de la marche de son pays. C'est cette réalité qui fait que les discours des dirigeants africains sonnent faux lorsqu'ils parlent de démocratie, de liberté, de droits de l'Homme quand ceux-ci n'existent pas dans leur pays, ou ne sont que minimaux, mais suffisants pour les potentats africains pour justifier, aux yeux de la communauté internationale, l'ouverture et le libéralisme qu'ils sont censés prodiguer à leurs peuples. Car, en fait, dans sa majorité, la composante humaine de l'Union africaine est, peu ou prou, la même que celle qui mena l'OUA à l'échec. Et il semble bien qu'actuellement un Alpha Oumar Konaré - élu l'an dernier à Maputo, commissaire de l'Union africaine - reste en soi l'exception, qui mena son pays, le Mali, à la démocratie. Ce sont 53 Oumar Konaré dont l'Afrique a besoin pour sortir de l'ornière du sous-développement, de la mal-gouvernance et de conflits dans lesquels l'ont mis l'imprévoyance et le dirigisme de ses responsables. La troisième conférence ordinaire de l'Union africaine se tient à un moment où le continent est menacé, dans sa grande majorité, par la malnutrition, par les maladies endémiques, (selon l'Onusida, 60% de la population d'un pays comme le Zimbabwe porte le virus du sida, c'est également à peu de choses près, le cas de l'Afrique du Sud et généralement de l'Afrique australe dont une large population est considérée comme séropositive), alors que les conflits perdurent mettant en stand-by le développement. Le décollage économique ivoirien donné en exemple pour l'Afrique n'est plus qu'un souvenir car les luttes de sérail ont engendré un conflit meurtrier renvoyant la Côte d'Ivoire dans la cohorte des pays africains mal gouvernés. Comment dès lors aborder les problèmes multiples qui assaillent le continent, quand l'Afrique est encore incapable de nourrir ses enfants, de les protéger et de les éduquer? C'est encore le commissaire africain, Oumar Konaré qui affirme : «Une Afrique intégrée sera une Afrique largement capable de nourrir ses enfants.» N'est-ce pas là le challenge de l'UA car, comme l'indique l'ancien président malien, une autre Afrique est possible, mais pour cela il faut «un futur sans conflit, sans famine, sans réfugiés». De fait, les conflits, la famine et leur effet immédiat, les réfugiés restent le noeud gordien du mal développement de l'Afrique.