Lors du premier jour de l'Aïd, plusieurs moutons ont été égorgés en présence des 20 locataires de Dar El Rahma de Aïn Trab de Bordj Bou- Arréridj. Mais aucune visite, ni des autorités locales ni des citoyens. Seuls les agents recrutés dans le cadre du filet social tentaient tant bien que mal de créer un semblant de fête. Farida, c'est l'histoire d'une vie de galère. Juste trois enfants pour y croire encore et un quatrième à quelques jours de sa naissance. Farida est confrontée à un contexte social difficile surtout qu'elle est en train de perdre l'essentiel, la confiance dans l'avenir de ses trois enfants âgés de 3, 5 et 10 ans. La trentaine et quelques poussières, cette jeune mère célibataire, installée depuis quelques mois dans ce foyer, a décidé de rester au lit, la photo de ses trois enfants face au visage et les yeux gonflés en larmes. “J'ai l'impression que c'est tout ce qu'il me reste à faire. Je ne peux plus vivre sans eux. Je n'ai plus le goût ni en l'Aïd ni dans la vie”, se plaint Farida qui demande, en plus des papiers pour ses enfants, deux choses aux services sociaux qui s'occupent de son cas. L'autorisation de recevoir ses trois enfants réunis pendant trois jours à l'occasion de l'Aïd. Et un toit qui les rassemblera un jour. “Je sens que mes enfants sont malheureux sans moi. Je voulais les revoir la veille pour leur mettre du henné sur la main, leur faire prendre leur douche, dormir ensemble dans le même lit, les réveiller de bonne heure le matin, les habiller et les embrasser. Je suis une maman et mon cœur sent que mes enfants pleurent cette matinée de l'Aïd”, a-t-elle ajouté. Impossible de finir ses phrases, elle me tend la photo de ses trois beaux garçons. “Des gens font des milliers de kilomètres pour fêter l'Aïd en famille et moi, mes trois enfants sont à 60 kilomètres et ils ne peuvent pas me rejoindre !”, se lamentait la maman. Ses trois enfants sont accueillis dans un centre pour mineurs à Sétif car à Bordj Bou-Arréridj, il n'y a pas de structure de ce genre. “Quelle est cette loi qui prive des enfants de leur maman ?”, s'interroge-t-elle. Cette situation critique est l'aboutissement de longues années de galère. Farida a eu une enfance difficile, un contexte familial compliqué et elle a été victime d'abus sexuels. “Mais ce n'est pas une raison pour nous prendre pour des clochards. Je suis une maman et j'aime mes enfants”, affirme-t-elle. Il y a neuf mois, avec son compagnon, lui aussi dans une situation professionnelle précaire, elle a été obligée de quitter la maison qu'elle avait louée avec ses enfants. “On est allé vivre dans cette maison provisoirement en attendant de trouver mieux” mais la loi interdit les mineurs dans cet établissement. “C'est là que mes trois enfants ont été placés”. Sur le fond, Farida ne conteste pas le placement. “On a besoin de se construire et de stabiliser la situation.” Par contre, les enfants ont été séparés longtemps de leur maman. “Le petit garçon de 3 ans, la dernière fois que je l'ai vu ne m'a pas reconnue. Il m'a fuie”, raconte la maman en pleurant. “Je ne peux pas supporter de passer les fêtes de l'Aïd loin de mes enfants”, a-t-elle répété. Des attentes simples en apparence et qui devraient êtres prises au sérieux par les services sociaux de la direction de la solidarité. “Nos services restent bien sûr très attentifs à cette situation. Nous avons bien compris la demande de cette personne. Il faut juste souligner que nous avons une mission de protection de l'enfance et que nous agissons de concert avec la justice et le juge des enfants”, explique un responsable de la direction de l'action sociale. Pour le moment, Farida voudrait accueillir ses trois enfants, placés par les services sociaux dans un centre à Sétif, chez elle à Dar El Rahma. “Je pense que le droit fondamental au respect de la vie familiale et l'obligation de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant sont inscrits dans la Convention internationale des droits de l'homme et de l'enfant et notre pays est non seulement l'un des signataires mais aussi l'un des défenseurs de ce droit”, conclut-elle. Chabane BOUARISSA