Au-delà des échanges vifs mais courtois relayés par la presse nationale et étrangère sur les délais de “solvabilité externe de l'Algérie”, un vrai débat s'est ouvert pour la première fois sur les conditions de restructuration et d'internationalisation de l'économie algérienne. Reprenons le premier point pour l'évacuer provisoirement. Pour Abdelatif Benachenhou, la solvabilité externe de l'Algérie —avec 142 milliards de dollars de réserves de changes— est acquise jusqu'en 2015. Optimisme partagé également par le cabinet Oxford Business Group (OBG) qui estime, lors de la présentation de son rapport annuel “Emerging Algeria 2008”, que si “la crise ne dure pas dix ans, les réserves de changes sont suffisantes pour sortir de la tempête”. En vérité, les atténuations que j'avais apportées, qui recoupent d'ailleurs celles du professeur Benissad, sont dues à deux éléments au moins. Le premier est que l'on doit ajouter à la facture importation de marchandises celle des services de l'ordre de 10 milliards de dollars par an. Le deuxième élément est que les réserves de changes incluent également les parts déjà implicitement affectées aux plans d'investissement de la Sonatrach et Sonelgaz estimés autour de 100 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. Au bout du compte, en flux annuel c'est 44 milliards de dollars qu'il faudra payer ; c'est ce que rapporteront au mieux les exportations d'hydrocarbures avec un baril autour de 45 dollars. Pour clore provisoirement cette partie du débat, disons simplement que la prudence devra être de mise. La vraie question devra porter, à mon avis, sur les approches nouvelles à initier pour que notre économie se diversifie et passe à une étape supérieure dans ses relations avec le reste du monde. Au moins un élément structurel que la crise rend plus visible nous pousse dans cette direction. Ainsi avec un taux d'épargne qui atteint 50% depuis plusieurs années celui de l'investissement n'en représente que la moitié (25%). Cet écart récurrent est en fait l'indicateur, d'une part, de l'inefficacité partagée du système bancaire et des entrepreneurs dans la transformation de l'épargne en investissement productif, et d'autre part, de l'absence d'une politique publique active de l'offre. C'est, pour l'essentiel, la réalisation des infrastructures et le secteur de l'énergie, y compris la pétrochimie qui absorbent pour le moment l'essentiel du volume d'investissement. La théorie des vases communicants explique alors ce qui se passe : on cède plus facilement à la pression de la consommation visible dans l'explosion des importations. C'est couvert et moins risqué à la fois pour les agents économiques et pour le système bancaire. Il faudra bien à un moment donné passer d'une politique budgétaire expansionniste à une politique ciblée de soutien à l'offre. La stratégie industrielle, en chantier depuis plusieurs années, peut en être la charpente sous réserve d'intégrer ces nouvelles données. Une première idée en ces temps de crise est la prise d'intérêts auprès des grands fournisseurs de l'Algérie tout en les encourageant à s'installer chez nous. Ces intérêts croisés participent de la stratégie gagnant gagnant. Les milieux d'affaires algériens y sont favorables. Cela ressort des positions du FCE, exprimées par Reda Hamiani et Issad Rebrab, qui veut obtenir au profit des opérateurs concernés un appui dans leurs prises d'actifs à l'étranger en facilitant en retour les investissements de leurs partenaires en Algérie. Cette démarche intéresse également les champions du secteur public car on parle bien d'une économie mixte. La Sonatrach a déjà ouvert la voie dans les branches pétrochimie, engrais et électrométallurgie. L'un des véhicules appropriés pourra provenir notamment de cette banque d'investissement prévue dans l'instrumentation du MIPI. La Banque d'Algérie, quant à elle, devrait faire preuve de plus de souplesse et de réactivité pour accompagner ces opérations inédites. En attendant de faire mieux, concédons au moins que cette fin d'automne nous a été favorable sur le plan hydrique : les 60 barrages en exploitation sont déjà remplis à 50%. On ne manquera pas d'eau l'été prochain, ce sera toujours cela de gagné. M. M.