Les bouleversements climatiques ne sauraient être sans impact sur l'agriculture. Dans un pays conjuguant aridité et semi-aridité sur près de 70% de sa superficie globale, la prise de conscience devient une évidence, surtout après la crise alimentaire survenue en 2007. Elle se traduit aujourd'hui par une nouvelle stratégie nationale spécifique et adaptée. Un mégaprojet pour le moins ambitieux qui devrait désenclaver et faire sortir bon nombre de régions de leur léthargie. L'amélioration de la sécurité alimentaire, selon la FAO, est indissociable d'un véritable engagement politique. Un engagement qui se traduit sur le terrain par des investissements publics et privés colossaux à même de garantir une relance agricole probante. Le retard accusé dans les pays du sud, l'Afrique s'entend, serait dû à “l'absence de mesures énergiques”. En effet, mis à part le Maroc, l'Egypte, le Soudan, Madagascar et l'Afrique du Sud, seulement 7% des terres arables sont irriguées contre 40% en Asie. La sécurité alimentaire dans le contexte algérien actuel doit être aujourd'hui recentrée, le modèle de consommation nationale étant différent et construit sur quatre produits de base qui sont les céréales, le lait, les viandes et la pomme de terre. La définition notamment celle de la Banque mondiale s'articule aujourd'hui autour de “l'accès pour tous, à tout moment aux denrées alimentaires pour mener une vie active et saine”. Cette sécurité doit être étalée sur le temps. La dynamique de fond de ces dernières années est basée sur l'urbanisation croissante (dans les villes en grande proportion). La sécurité alimentaire est également liée, nous dit-on au ministère de l'Agriculture et du Développement rural, au pourvoi des villes en denrées de base et à la capacité de production (eau, capital, techniques...). Et c'est l'approvisionnement de certaines filières à partir des marchés internationaux qui est devenu problématique avec la crise alimentaire mondiale. Durant les années 1990, nous explique M. Sid Ahmed Ferroukhi, secrétaire général au ministère de l'Agriculture et du Développement rural, les filières des grandes denrées de base étaient en forte croissance, il y avait de grandes disponibilités de lait, de pomme de terre, etc. Au cours des deux dernières années 2007/2008 – conséquence des politiques de restriction de l'Union Européenne et des USA – ajouté à cela la tendance des pays d'Amérique latine de rentrer dans le marché mondial sans compter le développement des biocarburants – il ya eu hausse des prix des matières premières agricoles dont la poudre de lait, les céréales (en un an les prix du blé et du soja ont doublé, on a relevé une augmentation de 50% pour le maïs et de 25% pour le riz), etc. “En contrepartie, en Algérie, nous avons eu une croissance agricole forte ces dernières années (arboriculture, cultures maraichères...)”, souligne M. Sid-Ahmed Ferroukhi. Toutefois, cette dernière ne s'est pas faite dans les produits stratégiques. Ce qui laisse à dire qu'il est primordiale aujourd'hui de réorienter la croissance agricole, d'où les 48 contrats de performance, signés ces derniers jours et discutés samedi dernier lors de la réunion trimestrielle des cadres du secteur. “Ce que nous voulons mettre en place dans le nouveau programme du Renouveau de l'économie agricole c'est recentrer la mobilisation, l'effort de l'Etat et l'encouragement à l'investissement dans les filières stratégiques. Bien entendu, l'économie agricole est libre mais nous accompagnerons avant tout les projets qui vont dans le sens du développement de ces filières. Partant du fait que quel que soit le contexte international, l'approvisionnement minimal doit émaner de notre production nationale”, poursuit notre interlocuteur. Et d'ajouter : “Nous avons élaboré des programmes pour donner par exemple des autorisations de forage (d'accès à des ressources en eau) conjointement avec le ministère des Ressources en eau pour assister les producteurs de céréales, la priorité leur a été donnée.” Abordant l'aspect lié à l'autosuffisance, concept différent de la sécurité alimentaire, il nous a été précisé qu'il n'est pas question, dans le court terme, de diminuer les importations. Néanmoins, il est impératif que le pourcentage de la production nationale dans la structure de l'approvisionnement augmente, voire qu'il atteigne les 50%, 60%. Cette année, les ajustements dans le court et moyen terme prennent en charge les aspects liés au type de culture : il y a une relance de la production céréalière dans les régions ouest, mais aussi le Sud. Par ailleurs, l'eau reste une ressource-clé, notamment dans les zones d'agriculture pluviale vu le risque climatique. De ce fait, les opérateurs doivent aller vers des spéculations moins risquées. Car il faut de l'irrigation d'appoint pour assurer les rendements. À juste titre, le gouvernement lance des actions, voire de nouveaux programmes en vue de mobiliser de nouvelles ressources permettant d'augmenter les superficies agricoles utiles, de mobiliser des ressources en eau, de conserver les sols et la ressource existante. Rappelons que l'expansion nécessaire des terres arables va, hélas ! inéluctablement se faire au détriment du couvert végétal et forestier et qu'elle affectera dans ce sillage les écosystèmes des régions du Nord. Le projet du Renouveau de l'économie agricole consiste, par ailleurs aussi, en la relance du programme de la concession revu et corrigé car même si certains objectifs ont été atteints ces six dernières années, des carences ont été relevées. En termes de démarche de travail, le but étant d'améliorer la sécurité alimentaire, il a fallu procéder à la déglobalisation des objectifs en les replaçant dans leur contexte : chaque wilaya bénéficie via son contrat de performance d'un programme spécifique d'intensification de la production céréalière, maraîchère, laitière, des viandes et des huile, d'irrigation, etc. L'accompagnement technique, scientifique, financier et humain suivra. “Nous avons deux types de logiques : l'une basée sur les potentialités des régions, l'autre sur le type d'exploitation agricole. Nous sommes dans une logique d'économie agricole dans une zone montagneuse écologiquement fragile sinon dans une logique développement rural”, ajoute notre interlocuteur. Concernant le type d'agriculture pratiquée, les responsables du ministère rappellent que l'Algérie pratiquera selon les besoins l'agriculture intensive et vice-versa. L'autosuffisance n'étant pas économiquement efficace pour l'heure, l'objectif des pouvoirs publics algériens est d'améliorer la sécurité alimentaire. C'est-à-dire produire une grande part de ce que nous consommons comme meilleur moyen de nous prémunir de la crise. D'autant, comme l'a souligné M. Benaïssa, ministre de l'Agriculture et du Développement rural, que la sécurité alimentaire est une question de souveraineté nationale. N.R