Avec un taux de boisement faible estimé à 11%, les écologues font montre de pessimisme. Un pessimisme justifié par une réalité anachronique. Pour faire face à la crise alimentaire mondiale, l'Algérie a dû revoir sa politique agraire en optant pour le développement d'un secteur jusque-là en déliquescence. Toutefois, ces objectifs inscrits dans le moyen et long terme ne sauraient être atteints sans l'extension des terres agricoles laquelle se fera inéluctablement au détriment du couvert végétal. Déjà restreintes en superficie et en nombre – en effet, l'Algérie accuse un déficit de 9% avec un taux de boisement (1) faible estimé à 11% (le taux écologiquement admis étant de 20 % à 25 %) – nos forêts et parcs déjà ravagés par le béton et éprouvés par les incendies (25 000 ha ravagés en 2008 dont 15 000 ha de forêts) ne sont pas au bout de leur peine. Il n'empêche que dans cette logique infernale qui oppose l'homme à Dame Nature la priorité revient à ce que les scientifiques appellent “les puits de carbone”, en l'occurrence, la forêt dont on attend plus que les fonctions classiques puisqu'elle joue aujourd'hui un rôle littéralement vital. En attendant que la péridotite (roche abondante au Sultanat d'Oman et en d'autres points du globe pouvant absorber une grande quantité de CO2, récemment découverte) serve au stockage des émissions de CO2, l'intérêt, en Algérie s'entend, est au repeuplement, au reboisement et à la protection des aires vertes. Les écologues, spécialistes de l'environnement assurent que pour atteindre les 25% de taux de reboisement, il faudrait reboiser 4 000 000 d'hectares. “Le programme national prévoit un reboisement sur vingt années de 1 200 000 ha soit l'équivalent de 10 000 ha par an. Or, nous pourrions réaliser 100 000 ha par an à condition d'y mettre les moyens. C'est jouable”, affirme le M. Bellatrèche, professeur d' écologie au département foresterie (Ecole nationale d'agronomie) et directeur d'un laboratoire de recherche national sur les écosystèmes forestiers. Abondant dans le même sens, notre interlocuteur n'a pas manqué de faire référence aux écrits de Mustapha Lacheraf lequel a dans l'un de ses ouvrages, mis en exergue le fait que “l'Algérie a été forte économiquement tant que sa superficie forestière était importante !”. “L'Algérie est classée dernière à l'échelle africaine en matière d'études et de recherches environnementales” Pour les scientifiques, il est aujourd'hui primordial de s'adapter aux changements climatiques en cours en sélectionnant des variétés, voire des espèces végétales pouvant facilement croître. Nos interlocuteurs évoquent les “mezzo écosystèmes” lesquels ont une influence certaine sur l'environnement. Mais contrer la déforestation et préserver les terres arables passe aussi par la protection des bassins versants qui, selon les spécialistes de la question, posent un réel problème en Algérie. “Il faut impérativement les protéger contre l'érosion par des fixations biologiques (reboisement) et des actions physiques (travaux de DRS : défense et restauration des sols). À cause de l'érosion hydrique, des hectares de terres fertiles disparaissent chaque année, des villes sont inondées...”, souligne-t-on. Ces mesures sont, en outre, inscrites au programme de la direction générale des forêts. Elles contribuent à préserver les ressources hydriques et à alimenter les nappes phréatiques. Il est aujourd'hui primordial que les pouvoirs publics définissent les axes prioritaires à développer en impliquant les éminences grises dans toute prise de décision. “Ce qui n'est pas le cas !” martèlent les spécialistes en écologie qui soulignent que “de nombreuses études dans le domaine sont en voie de publication”. Et d'ajouter : “L'Algérie est classée dernière à l'échelle africaine en matière d'études et de recherches environnementales.” Dans un autre chapitre, les écologues préconisent l'investissement, en Algérie, dans la ligniculture. “On a préféré importer au lieu d'exploiter le bois. Nous laissons mourir nos forêts sur pied au lieu d'enlever les vieux sujets et faisons en sorte qu'elles (nos forêts) meurent de vieillesse. Il faut avoir au plus tôt une vision à long terme”, conclut le Pr Oldache, enseignant écologue chercheur à l'Ecole d'agronomie d'Alger. Mises à part les essences autochtones comme le pin maritime (pour le reboisement industriel) et le peuplier, pour ne citer que ces deux espèces, il est aussi important d'introduire des essences exotiques comme l'eucalyptus et le pin Radiata. En marge des travaux de recherche, le terrain (les actions) n'est pas en reste bien que le retard soit indéniablement pénalisant. À la direction générale des forêts (DGF) on est conscients que les pays du Sud, l'Afrique notamment, sont aujourd'hui et désormais les premiers à subir les conséquences des changements climatiques. Ce qui est, selon M. Titah, DGF rassurant, néanmoins, est la prise de conscience internationale. “La vision et la législation sont en train d'évoluer. Une nouvelle approche se met en place. Les pollueurs seront les payeurs. On va vers le système de bonus/malus”, souligne-t-il. La dernière réunion organisée dans le cadre de la semaine sur l'énergie a, pour rappel, porté sur l'implication technique mais aussi financière des pays industrialisés à l'origine du désastre écologique planétaire. En attendant, l'on a appris de source bien informée que les Etats africains des pays concernés ont entamé la réalisation de la “muraille verte” qui s'étendra du fleuve Sénégal à la Corne de l'Afrique. En Algérie, “le barrage vert”, terme obsolète, est substitué par un jargon plus actualisé. L'Algérie s'inscrit, en effet, dans une logique de développement durable à une échelle territoriale participative matérialisée par le “projet de proximité de développement rural intégré” s'étendant aux zones rurales. En outre, le Plan national de reboisement, cité plus haut, suit son cours. Sa mise en œuvre a démarré en 2000, 70 000 ha sont déjà réalisés. N. R.