Quatorze bonnes années sont déjà passées depuis que cheikh si El-Missoum El-Mecheri a quitté cette vie éphémère, à l'âge de 84 ans, pour rejoindre l'Eternel. L'amant éternel de l'esprit, qui ne trouvait jamais son élixir en face, mais au fond de ses entrailles, avait rendu l'âme à l'aube frisquet d'un certain samedi 18 décembre 1994. Aujourd'hui, loin d'une apologie funèbre, c'est plutôt un témoignage discret, conjugué à un incandescent souvenir, que nous apportons sur ce grand personnage remarquablement fier de son authenticité, habillé de sagesse et ouvert au progrès universel. Algérien jusqu'à l'extravagance, il avait le réflexe hors de leurs gonds les marauds de tous bois et les faquins de tous bords en utilisant son arme infaillible qui consistait en une sagesse émaillée généralement d'un rire feint, raffiné et théâtralement intelligent. Issu du douar de Béni Louma, au nord-ouest de Tiaret, où il naquit en 1910, Cheikh Si El-Missoum côtoya très jeune la moquette de la zaouïa Sedjrara où il apprit le Saint Coran jusqu'à l'âge de 16 ans avant de s'envoler vers les mosquées de Mascara, Béni Chougrane, Mazouna et El-Attaf pour une meilleure perfection. En 1939, il signa son retour au bercail, à la mosquée Ould Bella où il se consacrait à l'exégèse du Livre Saint jusqu'à sa nomination, le 12 octobre 1955, en qualité d'imam et prêcheur au sein de la mosquée de Rahouia qui venait d'ouvrir ses portes. Déterminé à joindre ses percepts religieux au noble devoir de contribuer à la libération de l'Algérie du joug colonial, il intégra les rangs de l'ALN en 1956 avant de se faire arrêter, le 2 mai 1957, pour faire les prisons de Zemmora, Oued-Rhiou et Mostaganem. Libéré quelquetemps après, il ne tarda pas connaître une seconde incarcération, en 1958, car impliqué dans l'explosion perpétrée au siège du département français à Tiaret. Au lendemain de l'Indépendance et après un passage à la mosquée de Rahouia, il sera désigné, en 1973, comme secrétaire conseiller auprès de la direction des affaires religieuses de la wilaya de Tiaret. Ainsi, faisant du triptyque authenticité-savoir-progrès un système de référence, il prônait, 68 ans durant, de manière fortement pédagogique et méthodique, le Coran et la Sunna qu'il inculquait aux jeunes avec autant de modestie et loin de tout fanatisme. “Sa sincérité singulière et la foi ardente qu'il vouait à l'amour de la patrie et de l'humanité faisaient de lui un imam de haut rang”, nous disait de lui Cheikh Mohamed Chaâlal. Cependant la meilleure façon pour rendre hommage aujourd'hui à l'imam Si El-Missoum est de nous atteler à préserver le patrimoine historique et religieux de ceux qui ont étayé la relation entre l'homme et son passé, atteignant parfois les sommets de la bienfaisance morale et spirituelle. R. SALEM